Un nouveau modèle économique mis au point par des chercheurs de la Caroline du Nord peut maintenant aider à expliquer pour la valeur des propriétés situées sur les côtes continue d’augmenter, malgré la multiplication des risques d’inondation liés à la montée des eaux.
Au dire des auteurs, ce modèle permettra d’effectuer de meilleurs investissements publics lorsqu’il est question de s’adapter aux changements climatiques dans les régions côtières, et plus particulièrement aux États-Unis.
« Ce n’est pas une question de « si », mais bien une question de « quand », lorsque l’on parle du moment où les communautés côtières seront entièrement inondées », mentionne Martin Smith, l’un des chercheurs à l’origine de ce modèle économique.
« Il faut se demander s’il existe des façons plus efficaces de gérer les zones côtières, au cours des prochaines décennies, qui permettraient de faciliter cette transition. »
L’étude des chercheurs, publiée dans Nature Communications, a mené à la création d’un modèle intitulé Coastal Home Ownership Model qui analyse la façon dont le transfert des coûts de gestion des côtes aux propriétaires immobiliers peut avoir un effet sur le marché, le développement côtier, ainsi que sur la démographie des communautés riveraines.
En date de 2018, rappellent les scientifiques, les comtés côtiers américains accueillaient environ 40% de la population du pays, au dire de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA).
Ces communautés, qui sont depuis longtemps aux prises avec l’érosion des berges et les tempêtes côtières, devront affronter une importante hausse du niveau des océans en raison des changements climatiques. Ces mêmes communautés seront donc soumises à des risques accrus d’inondation, leurs infrastructures essentielles seront menacées, et, éventuellement, de vastes pans de la côte seront inondés par de l’eau de mer.
Forces du marchés contre force de la nature
Selon les auteurs, les incitatifs fiscaux pour les riches propriétaires, combinés à des subventions fédérales qui couvrent présentement des mesures visant à réduire les dégâts provoqués par les tempêtes et les inondations, continuent d’alimenter le marché immobilier dans ces régions, malgré des preuves d’une multiplication des dangers liés à la hausse du niveau des océans.
De tels incitatifs peuvent ainsi, écrit-on, ralentir l’ajustement des marchés aux risques climatiques à long terme en obscurcissant les coûts de prévention de ces risques.
Le modèle démontre que la valeur des propriétés côtières finira par chuter, sans subventions fédérales pour le développement côtier, ou sans incitatifs fiscaux. En limitant le bassin d’acheteurs à court terme aux personnes qui peuvent se permettre de payer leurs propres défenses contre un océan qui prend toujours plus d’ampleur, les communautés côtières finiraient par n’être réservées qu’aux résidents riches, ce qui entraînerait une gentrification.
L’effet opposé, soit la gentrification climatique, où les résidents plus aisés fuient les risques, est également possible, en fonction des politiques publiques, d’une période de temps précise, et de la nature.
« À long terme, que les communautés côtières deviennent une zone à faible revenu, ne soient habitées que par des riches, ou quelque chose entre les deux, un déclin rapide du marché de l’immobilier, avant l’inondation complète, pourrait ne pas être souhaitable », écrivent encore les auteurs de l’étude.
S’adapter à l’inévitable
Le gouvernement fédéral américain a dépensé environ 12 milliards de dollars, au cours du siècle dernier, pour des projets d’embellissement des plages sur l’ensemble de son territoire, ce qui comprend le fait de pomper du sable sur des plages, afin de contrer l’érosion.
Les chercheurs ont constaté que ces projets avaient échoué, en tant que moyen durable de s’adapter aux changements climatiques. Et n’avaient, au mieux, que permis de ralentir le déclin de la valeur des propriétés et des populations, alors que les résidents de ces zones fuyaient les risques côtiers. Les subventions destinées à la gestion des côtes, elles, ont aidé à ralentir les changements démographiques, en traitant les plages comme des biens publics protégés par les fonds de l’État.
Plutôt que de maintenir ces programmes, les auteurs de l’étude suggèrent de faciliter une « retraite dirigée » des résidents côtiers. Il s’agirait là d’une solution durable en vertu de laquelle les résidents auraient l’opportunité de vivre temporairement dans leur domicile en payant un loyer, tout en conservant la flexibilité nécessaire pour quitter les zones inondées sans être coincés par des titres hypothécaires, par exemple.
Une autre alternative consisterait à ce que le secteur public investisse dans des habitations côtières adaptées au climat qui seraient davantage modulaires et pourraient être déplacées, comparativement au parc immobilier actuel, qui est généralement statique devant la montée des eaux.
« Les résultats que nous avons présentés devraient permettre de faciliter les discussions à propos de l’avenir des propriétés côtières, ce qui représenterait un changement important par rapport au modèle actuel, qui consiste à gérer les impacts climatiques côtiers en mode réaction », indique Dylan E. McNamara, un autre chercheur ayant mis au point le modèle.
« Comprendre le système côtier – où les changements climatiques, les habitations côtières humaines, les marchés immobiliers et les politiques publiques interagissent de façon complexe – est une première étape importante pour tracer une voie durable pour l’avenir », mentionne pour sa part M. Smith.