Les États-Unis viennent de retourner sur la Lune, 50 ans plus tard, avec la sonde Odysseus de l’entreprise privée Intuitive Machines. L’implication du secteur privé dans la course à la Lune est une nouveauté, grâce à laquelle la NASA espère réaliser plus vite les futures missions habitées. Parce que pour l’instant, au cours des dernières années, ces missions ont été continuellement retardées.
Pourtant, l’augmentation du budget de la NASA entre 2010 et 2024 est bien supérieure au taux d’inflation entre ces deux dates. Mais on est encore loin de ce qu’il était dans les années 1960, alors que le programme Apollo —celui qui avait permis d’envoyer six missions sur la Lune— était une priorité nationale.
L’agence gouvernementale a donc besoin de plus de ressources, pour mener à bien ces projets et c’est dans ce contexte que pourrait intervenir le secteur privé. La NASA collabore déjà depuis quelques années avec l’entreprise SpaceX, dirigée par Elon Musk, pour l’envoi des astronautes vers la station spatiale. Plus récemment, elle a ouvert ses portes à de nouveaux collaborateurs à travers un projet appelé Commercial Lunar Payload Services. En font partie: l’entreprise privée Intuitive Machines, qui a développé la sonde Odysseus, de même que l’entreprise Astrobiotic, dont la sonde lunaire Peregrine a échoué en janvier.
Michelangelo Ambrosini, qui est agent technique et membre de l’équipe de préparation des opérations à l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques, dit que ce choix offre à ces entreprises « la meilleure liberté que vous puissiez imaginer. Ils sont plus libres en termes de bureaucratie ».
Un alunissage presque parfait?
La sonde Odysseus, qui s’est posée près du pôle Sud de la Lune le 22 février, devait contribuer au programme Artemis de la NASA: ce programme qui prévoit une première mission habitée en orbite lunaire en 2025, un premier alunissage en 2026 et, en théorie, une base lunaire habitable en permanence vers 2030. Or, depuis quelques années, toutes ces missions ont été retardées à plus d’une reprise.
Michelangelo Ambrosini parie « à 50% » sur un succès d’ici 2030 et à 50% sur un retard. Il reste encore des technologies à développer et des défis à surmonter. Des documents internes de la NASA obtenus il y a près de deux ans par le magazine Ars Technica mentionnaient même 2034 comme date pour la base lunaire.
En dépit de l’échec de Peregrine, et en dépit du fait qu’Odysseus s’est posé sur le côté, l’empêchant d’accomplir sa récolte de données, les entreprises privées peuvent certainement atteindre la Lune, d’après Ambrosini. Mais leur taux de réussite est limité par leurs budgets, qui ne sont pas comparables à ceux qu’avait obtenu la NASA dans les années 1960.
« Les États-Unis sont de retour sur la Lune », avait déclaré avec fierté Bill Nelson, l’administrateur de la NASA, lors de l’alunissage d’Odysseus, en qualifiant celui-ci d’« exceptionnel ».
Michelangelo Ambrosini, qui est aussi responsable adjoint du segment spatial pour Météosat, qualifie cette prise de parole de « petit mensonge » pour « continuer à faire rêver le public ».
Pour l’astronaute canadien Jeremy Hansen, que La Presse interrogeait le 9 mars sur le grand nombre d’échecs des dernières missions lunaires, la différence est que dans les années 1960 et 1970, l’échec n’était pas envisageable car c’étaient des missions humaines, qui représentaient de surcroît la fierté d’un pays. À présent, il s’agit de sondes automatiques, dont les compagnies sont prêtes à échouer pour apprendre de leurs erreurs: il faut donc s’attendre à des résultats moins spectaculaires.