En Amérique du Sud, après le Brésil, c’est la Colombie qui compte la plus forte population originaire d’Afrique. Inspirés par l’œuvre littéraire Changó el Gran Putas, de Manuel Zapata Olivella, les extraordinaires artistes de la compagnie de danse contemporaine Sankofa Danzafro de Medelin en Colombie proposent un spectacle énergisant qui s’enracine dans les traditions des anciens esclaves pour la conquête de leur humanité.
Manuel Zapata Olivella fut médecin, anthropologue et écrivain. À travers l’œuvre de cet afrocolombien mort en 2004, qui de son vivant cherchait à intégrer les cultures africaines à celle de la Colombie, le ballet dirigé par Rafael Palacios établit un dialogue entre les esclaves du passé et la dure conquête de leur liberté. Un dialogue qui va encore plus loin : celui des artistes et de leur public dans un spectacle qui fait fusionner la danse contemporaine et les danses rituelles africaines.
Sur une musique de fond, les tambours africains de trois percussionnistes sur scène retentissent. Des danseurs courent sur la scène semblant se protéger de violences qui leur sont infligées. La musique très rythmée est intense. Sous les éclairages changeants, les costumes sont d’un rouge flamboyant, ou bruns comme la terre. Mais au centre de ces danses effrénées apparaissent successivement, au fil du spectacle, des femmes vêtues d’immenses et splendides robes blanches dont la matière légère entre avec elles dans la chorégraphie.
L’une de ces femmes est enceinte. La divinité Yemanja, sorte de déesse mère d’origine africaine, est encore vénérée en Amérique latine. Le syncrétisme religieux est très présent et c’est aussi ce que fait apparaître le spectacle : une fusion entre mouvements et musique, entre artistes et spectateurs, entre passé et présent.
Les corps dégagent une énergie folle. Les danseurs paraissent entrer dans des sortes de transes ou réaliser en commun des travaux astreignants. Le spectacle est hypnotisant pour le spectateur et terriblement physique pour les artistes. Certains apparaissent parfois masqués; cela rappelle la tradition des masques africains, mais aussi l’humanité niée aux Noirs durant la traite dont ils furent les victimes.
Ce dialogue entre percussions, danses africaines traditionnelles et danse contemporaine est superbement rendu et plein d’espoir sur la liberté conquise et l’enrichissement de la culture qui en résulte.
Sankofa Danzafro
Detrás del sur: danzas para Manuel
Danse Danse
Directeur chorégraphique : Rafael Palacios.
Éclairages et scénographie : Álvaro Tobón.
Costumes : Diana Echandía.
Composition musicale : Juan José Luna Coha, Harold Enrique Tenorio, Kevin Leandro Cortes.
Musiciens : Juan José Luna Coha, Gregg Anderson Hudson Mitchell, Danny Mosquera Lemos.
Interprètes : Yndira Perea Cuesta, Piter Alexander Angulo Moreno, Raitzza Nathalia Castañeda Torres, Diego León de los Rios Naranjos, Liliana Hurtado Hinestroza, Katerin Moreno Aguilar, Maryeris Mosquera Batista, Jhoan Andrés Mosquera Ibarguen, Sandra Vanesa Murillo Mosquera, María Elena Murillo, Estayler Osorio Fuentes, William Camilo Perlaza Micolta, Andrea Bonilla Ospina et Sandra Catalina Mosquera Moreno.
Detrás del sur: danzas para Manuel, du 21 au 24 février 2024 au théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, à Montréal