Les temps sont durs. L’hiver est gris. Les taux et les prix grimpent en flèche. La confiance en nos dirigeants s’effrite de sondage en sondage. La météo est schizophrène. Les feux de forêt font rage. Les océans débordent. Les guerres déciment des populations. L’Amérique pleure, inconsolable. Vous déprimez ? Moi, oui. J’ai la solution. Le meilleur antidote qui soit : courir à toute vitesse voir Les ânes sœurs. J’insiste. À toute vitesse.
La pièce, créée et mise en scène par le multitalentueux Mathieu Quesnel, est un pur délice. Mieux, un baume miraculeux qui éradique instantanément tous les maux. Sceptique? Les lignes qui suivent devraient vous convaincre. J’en fais une affaire personnelle.
Parce que Les ânes sœurs, c’est avant tout une histoire personnelle, très personnelle. Une histoire réunissant deux hommes, Jean-Mathieu et Jean-Yves (sublimes Mathieu Quesnel et Yves Jacques), qui deviennent colocs 10 minutes à peine après leur premier contact (la vente d’un divan), puis amis, puis frères collés serrés. Deux hommes de générations discordantes (l’un a 35 ans, l’autre, 70) partageant un minuscule 1 ½ et 1000 opinions contraires représentées intelligemment et avec une irrésistible drôlerie.
Ces désaccords concernent notamment le réglage du chauffage (à 21 ou à 22), la politique (QS ou PQ), le hockey (Caufield ou Lafleur), les réseaux sociaux, les jeunes, les boomers, la sauce crémeuse ou traditionnelle… et donnent lieu à une kyrielle de tableaux exquis (la scène portant sur les radis au beurre ou à la margarine est à elle seule anthologique). On en redemande.
Or, malgré ses différences flagrantes, le duo se ressemble beaucoup. JM et JY vivent tous deux une peine d’amour, ils ont travaillé chez Aldo, sont nés respectivement les 3 et 4 août, aiment le jambon à l’ananas et jouent d’un instrument de musique.
Et c’est par la musique que la paire se rejoint et s’accorde à tous coups. Si, très souvent, un mur et un monde les séparent, la musique – rassembleuse et salvatrice – finit toujours par adoucir leurs mœurs. Bien accordées, guitare et batterie vibrent en harmonie.
Les nombreuses chansons – interprétées avec brio – sont pertinemment glissées çà et là du déploiement de l’histoire. Tantôt elles narguent, parfois elles provoquent, mais toujours elles touchent. Véritables personnages en soi, les airs nécessaires dévoilent efficacement les petits et les grands moments vécus au sein du couple improbable.
Parlant de couple, ce qui frappe par-dessus tout demeure la merveilleuse complicité des comédiens. C’est palpable et puissant. Le courant passe fort. Ces deux gars-là s’amusent et s’aiment vraiment.
Spectatrice privilégiée de cette relation authentique qui se développe tendrement sur une année ponctuée de 365 « journées internationales » à souligner impérativement (manie de Jean-Yves oblige), j’ajouterais que ça faisait des années (oui, des années!) que je ne m’étais pas si bien sentie après un spectacle. Un pur bonheur! Alors? Convaincus? Toujours déprimés? Moi, non. À nouveau, j’insiste. Courez à toute vitesse voir cette oeuvre feel good.