Éblouissant! Soul Chain, proposé dans le cadre de Danse Danse en ouverture de l’année a, sans le moindre doute, mérité il y a six ans son prestigieux prix du théâtre Der Faust.
Les 17 danseurs et danseuses de la compagnie allemande tanzmainz, sur une chorégraphie et une musique des Israéliens Sharon Eyal et Gai Behar, accompagnés d’Ori Lichtik offrent un spectacle de danse contemporaine incroyablement beau, intensément physique et d’une exécution millimétrée qui transmet une bonne part de son énergie folle au public. Une performance qui restera dans les annales de Danse Danse pour le public montréalais.
Les artistes sont tous revêtus de justaucorps et de bas couleur chair qui font ressortir leurs muscles tendus du début à la fin. Sur une très belle et intense musique techno, rythmée, répétitive et envoutante, aux accents de tango par moments, les danseurs envahissent la scène par groupes de deux ou de trois, en marchant sur la pointe de leurs pieds dans un déhanchement décidé et non dénué d’un certain humour.
L’intégralité du ballet est ainsi particulièrement physique, réalisé sur les demi-pointes, mais genoux légèrement pliés, ce qui allonge les jambes des artistes et offre pour le spectateur une perspective à leurs corps des plus particulière.
En danse contemporaine, il est toujours étonnant de constater à quel point la personnalité des chorégraphes et leur génie créatif permettent de proposer des mouvements aux corps toujours plus originaux et superbes.
Ici, un peu à la manière d’un kaléidoscope, la chorégraphe Sharon Eyal et son complice Gai Behar composent des tableaux tous plus réussis les uns que les autres, avec la foule de danseurs incroyablement talentueux qui illustrent à la fois l’unité et l’individualité de la condition humaine.
Calculés au millimètre près, les mouvements se coordonnent dans la marche et le déhanchement. Les déplacements des parties des corps sont extrêmes dans des limites relativement contenues, ce qui dégage un contraste particulièrement intéressant.
Et toujours, parfaitement illustré dans la multitude de tableaux qui se déploient sur la scène, le fait que certains éléments de l’ensemble, sans se dissocier vraiment du groupe qu’ils composent, affirment sans différend leur propre individualité. C’est cela la chaîne des âmes, Soul Chain.
Pour les spectateurs, les cœurs et les corps semblent battre au rythme de la musique et du déplacement des artistes. L’intense énergie des danseurs, qui teinte subtilement leurs costumes de sueur à mesure que la performance se déploie, se communique aux spectateurs et les met dans un état de vigilance extrême. On ressent aussi l’incroyable rigueur qu’exige ce genre de performance d’une précision parfaite.
Les danses très bien coordonnées montrent ainsi leur paradoxale unité dans les plus ou moins subtiles individualités des danseurs qui, tout en demeurant solidaires les uns des autres, affirment aussi leur force et leur originalité. Un bon groupe n’est pas un composé de robots tous identiques. La force et la souffle de chacun doivent pouvoir faire lien pour enrichir le groupe dans son ensemble.
Soul Chain
Chorégraphie : Sharon Eyal, co-créé par Gai Behar
Costumes : Rebecca Hytting
Musique : Ori Lichtik
Conception de la scène et des éclairages : Alon Cohen.
Interprètes : Elisabeth Gareis, Daria Hlinkina, Shani Licht, Cassandra Martin, Nora Monsecour, Amber Pansters, Réka Rácz, Maasa Sakano, Zachary Chant, Paul Elie, Finn Lakeberg, Christian Leveque, Frederico Longo, Jaume Luque Parellada, Cornelius Mickel, Matti Tauru et Lin Van Kaam.
Du 23 au 27 janvier 2024 au théâtre Maisonneuve de la place des Arts, à Montréal