Avec son complice Jonathan Young, la chorégraphe Crystal Pite livre encore un ballet de danse contemporaine incroyablement réussi, y associant, comme elle en a le secret, le théâtre, l’humour, la profondeur, les émotions et la beauté. Assembly Hall est une mise en abime vertigineuse entre notre époque, des personnes regroupées en association qui s’adonnent à des reconstitutions de combats et fictions médiévales, et l’imaginaire onirique du Moyen-Âge avec ses héros, ses lieux légendaires et ses rituels d’initiation.
Mais c’est bien la danse contemporaine avec des chorégraphies audacieuses et leur réalisation par des artistes d’une virtuosité indépassable qui domine. Assembly Hall joue avec les éclairages, les voix off et les bruitages, une trame narrative, des décors et une mise en scène extrêmement soignés pour proposer un ballet aux séquences d’une créativité époustouflante. Jonathan Young et Crystal Pite sont pleins de ressources et étonnent les spectateurs du début à la fin.
Le ballet débute dans une salle ordinaire, une sorte de gymnase mal éclairé avec son panier de basket, ses portes de sortie, ses simples chaises pour constituer un semblant de réunion. Il y a un ordre du jour, une approbation des minutes, des décisions graves à prendre, un quorum à respecter et les statuts de chacun comme président, trésorier, ou autre.
L’un des participants, qui n’a aucun statut, sauf celui d’être adhérent, se distingue toutefois dès le début sans trop savoir pourquoi. Dave, au départ une sorte de mannequin automate, va sans le savoir adopter les rôles de Perceval qui ne sait pas poser de question, de Lancelot, ou de Galaad pour ce siège périlleux des chevaliers de la Table ronde, cette chaise qui demeure vide tout le long de la réunion.
Chaque séquence est remarquable dans ses chorégraphies et les performances des artistes. Les corps se meuvent ou s’expriment en fonction des circonstances et au son des voix off, des musiques bien choisies ou des bruitages. La première séquence vaut le déplacement à elle seule. Dans un silence total, une participante de la réunion, peut-être la future princesse dont l’amoureux a été tué par un chevalier, tente de déplacer les membres du corps mécanique de Dave qui demeure au sol mais ne réagit pas comme elle le voudrait.
Ainsi au fil du récit suggéré, de cette quête du Graal fantasmée que le spectateur découvre au fur et à mesure de l’avancée du spectacle, différentes chorégraphies toutes très réussies sont proposées. J’ai adoré ce combat sans armes dansé au son des coups et du métal des épées qui cinglent, des corps qui s’envolent ou s’effondrent; ou cette danse qui met en scène un Dave portant le heaume du chevalier est démultiplié face à la princesse venue d’un autre monde. Certaines scènes sont très drôles, d’autres plutôt inquiétantes dans cette forêt profonde peuplée de créatures étranges qui caractérise l’univers médiéval.
Le spectateur se régale de l’esthétique parfaite des performances et des multiples clins d’œil aux romans arthuriens, au cinéma, au ballet classique et aux conseils d’administration qui – peut-être à la manière de la quête du Graal – opposent les membres du comité sans vraiment adopter de résolution constructive.
Assembly Hall
Danse Danse
Produit par Kidd Pivot
Chorégraphie et mise en scène de Crystal Pite.
Écrit et réalisé par Jonathon Young.
Interprètes: Brandon Alley, Livona Ellis, Rakeem Hardy, Gregory Lau, Doug Letheren, Rena Narumi, Renée Sigouin et Lea Ved.
Du 29 novembre au 1er décembre 2023 au théâtre Maisonneuve, à Montréal