Une nouvelle étude révèle de quelle façon les dons alimentaires distribués dans les écoles sont en voie de devenir un phénomène répandu, au Royaume-Uni, dans la foulée de la crise du coût de la vie qui y sévit, des compressions effectuées dans les programmes sociaux, et de la progression de la pauvreté.
Les conclusions de ces travaux, dirigés par l’Université de Bristol et publiés dans le British Educational Research Journal, font état du développement d’un réseau de banques alimentaires scolaires, de garde-manger collectifs et d’autres initiatives du genre, le tout mis en place pour venir en aide aux familles qui peinent à arrondir les fins de mois et nourrir leurs enfants.
De fait, cette aide caritative est si répandue qu’un directeur d’école a affirmé que le réseau scolaire était devenu « le quatrième service d’urgence », après les pompiers, les policiers et les ambulanciers, tandis qu’un employé d’un service d’aide a déclaré que « nous sommes considérés comme un service universel, parce que le reste du filet social n’est plus là ».
Comme l’écrivent les auteurs de l’étude, la forte hausse du prix des aliments et de l’énergie a été signalée comme l’un des facteurs alimentant l’insécurité alimentaire, ce qui a poussé les écoles à assumer ce nouveau rôle, en l’absence d’aide adéquate de l’État.
Dans les travaux de recherche, justement, on cite un élève qui a écrit à son école, indiquant que « nous n’avons pas de gaz (naturel). Nous n’avons pas de nourriture pour ce soir. Pouvez-vous nous aider? ».
Selon le principal auteur de l’étude, le Dr William Baker, « après des années d’austérité et de compressions, la forte hausse des prix des aliments signifie que des millions de parents ne peuvent pas nourrir leurs enfants correctement, ou encore bien chauffer leur maison. Les écoles constatent les conséquences de ce phénomène tous les jours, et plusieurs réagissent en fournissant des denrées aux familles, via leurs propres banques alimentaires et garde-manger collectifs ».
« Le projet a commencé à l’échelle locale, mais est rapidement devenu d’ampleur nationale lorsqu’il est apparu clairement que ces problèmes étaient largement répandus; cela démontre clairement comment les systèmes d’aide alimentaire, dans les écoles, sont maintenant bien organisés et installés. En raison de la situation actuelle, des initiatives comme les banques alimentaires dans les écoles sont probablement là pour rester. »
L’étude a porté sur 25 écoles de l’ensemble du territoire britannique, y compris des écoles primaires et secondaires dans les villes de Londres, Liverpool, Birmingham et Leicester, ainsi que dans de plus petites villes, dans plusieurs régions du pays.
Un problème généralisé
La plupart des écoles ont indiqué qu’elles nourrissaient de 15 à 20 familles sur une base régulière, tandis que certaines écoles secondaires aidaient jusqu’à 40 familles par semaine, à l’aide de nourriture obtenue via des partenariats avec des organismes caritatifs de lutte contre le gaspillage alimentaire et des épiceries.
Quant à l’organisation des dons, cela va des paquets discrets remis aux parents et financés par les employés des écoles, aux programmes de grande ampleur et largement publicisés.
« Il est frappant et inquiétant de voir à quel point cette aide alimentaire est devenue partie intégrante de nos écoles, en Angleterre », a indiqué le Dr Baker.
Les conclusions de l’étude viennent confirmer la récente déclaration de l’ancien premier ministre Gordon Brown, selon qui « à mesure que les organismes caritatifs remplacent les programmes sociaux pour devenir notre filet social et que les banques alimentaires, et pas le système de sécurité sociale dans son ensemble, deviennent la dernière ligne de défense devant le dénouement complet, il est difficile de ne pas s’inquiéter pour l’avenir ».
Au dire de plusieurs personnes interviewées pour cette étude, plusieurs familles gagnent juste un peu trop d’argent pour pouvoir se qualifier afin que leurs enfants reçoivent des repas gratuits à l’école. « Et donc, avec tout le reste, ces gens ne pourront pas gérer ce problème », a déclaré l’une des personnes interrogées.
Et puisque les besoins vont au-delà de la nourriture, les écoles ont aussi commencé à donner des vêtements, des souliers et des produits de nettoyage.
Toujours selon le Dr Baker, « les écoles fournissent souvent plusieurs autres produits de première nécessité. Plusieurs employés avec qui j’ai discuté attribuent cela à des compressions plus vastes dans les services sociaux, en plus de la crise du coût de la vie ».
La nouvelle étude s’ajoute à plusieurs enquêtes sur ce phénomène, dont un récent rapport de la Food Foundation, qui a constaté qu’en septembre dernier, environ le quart (25,2 %) de tous les foyers avec enfants souffraient d’insécurité alimentaire. Par ailleurs, disent les auteurs des récents travaux, cela pourrait en partie s’expliquer par le fait que certains avantages sociaux offerts aux familles sont limités aux deux premiers enfants.
Et ce niveau élevé d’insécurité alimentaire aurait aussi des impacts bien réels à long terme, avec un effet délétère sur l’éducation, la santé mentale et physique des enfants, ainsi que leur développement cognitif et social.
« Un enfant au ventre vide n’apprend pas de la même façon qu’un enfant au ventre plein », a souligné un travailleur d’un service d’aide.
Pour le Dr Baker, « les niveaux d’insécurité alimentaire, au Royaume-Uni, sont très inquiétants et représentent de grands défis pour les familles et les écoles. D’ailleurs, celles-ci, tout comme les banques alimentaires, ne peuvent pas régler ce problème: il faut une réponse de plus grande envergure et mieux coordonnée de la part du gouvernement pour s’attaquer à la pauvreté, particulièrement chez les familles avec des enfants ».