Les droits de la personne sont-ils sacrifiés sur l’autel des politiques d’adaptation aux changements climatiques? C’est du moins ce qu’avance une nouvelle étude de chercheurs des Universités Concordia et McGill, à Montréal.
Les travaux en question, publiés dans Climate Policy, sont l’oeuvre d’Alexandra Lesnikowski, professeure adjointe au département de géographie, d’urbanisme et d’environnement de Concordia, et d’une équipe de recherche de la faculté de droit de McGill. Ils sont aussi rendus publics à quelques jours du début de la COP28, à Dubaï, où seront discutés plusieurs enjeux essentiels dans le contexte d’une crise climatique qui s’accélère.
Aux fins de son étude, l’équipe a examiné les politiques d’adaptation climatique en vigueur dans 147 pays. Or, selon leurs conclusions, la plupart de ces politiques accordent peu d’importance – sinon aucune – aux droits de la personne, lit-on dans une note d’information publiée par l’Université Concordia.
« Si bon nombre des politiques nationales étudiées dégagent des facteurs structurels – la pauvreté et le genre par exemple – de la vulnérabilité climatique, à peine un tiers font référence de près ou de loin aux droits de la personne », indique par ailleurs la Pre Lesnikowski.
Selon cette dernière, donc, les groupes vulnérables d’un peu partout dans le monde sont « largement exclus des processus de planification et de prise de décisions ». En fait, lit-on dans l’étude, « la moitié des États du monde n’ont encore adopté aucune mesure précise pour réduire cette vulnérabilité ».
« Les pays signataires de l’Accord de Paris en 2015 se sont engagés à respecter et à promouvoir les droits de la personne dans leurs divers moyens de lutte contre les changements climatiques », rappelle la Pre Lesnikowski.
« Il y a maintenant huit ans que l’accord a été conclu, poursuit-elle. Nous sommes en droit de nous demander si les pays signataires respectent leur obligation d’admettre l’existence d’un lien entre les changements climatiques et les droits de la personne et si leurs politiques reflètent ces droits. »
Toujours au dire de l’autrice des travaux, « le niveau d’engagement espéré », de la part des différents pays, « n’a pas été atteint ».
Importance de la situation géographique et du niveau de vie
Contrairement à ce qui pourrait être envisagé, ce ne sont pas les pays les plus riches qui intègrent des dispositions de protection des droits de la personne dans leurs politiques d’adaptation climatique – à l’exception du Canada et de la Norvège.
En fait, révèle l’étude, c’est surtout en Amérique latine, dans les Caraïbes, ou encore en Afrique subsaharienne, que l’on retrouve ce genre de clauses protectrices.
« De plus, les renvois aux inégalités structurelles dans les politiques d’adaptation climatique variaient sensiblement d’un État à l’autre, et ce, en fonction de leur situation géographique et de leur niveau de vie », mentionnent encore les chercheurs. »
Et toujours selon les données recensées, ce sont justement les pays les moins industrialisés qui avaient davantage tendance à intégrer ces protections dans leurs politiques environnementales.
« Les types d’inégalité les plus souvent cités dans les stratégies d’adaptation aux changements climatiques relevaient de catégories sociales (souvent liées à l’âge, en particulier pour les personnes très âgées ou très jeunes), économiques ou de genre. Les types les moins souvent mentionnés concernaient l’autochtonicité, les handicaps ou l’identité ethnique ou raciale », lit-on dans l’étude.
Selon la Pre Lesnikowski, « les personnes marginalisées sur le plan économique, social ou politique souffrent davantage de problèmes de santé causés par les changements climatiques. Parmi elles figurent les agriculteurs de subsistance, les pauvres et les personnes âgées habitant un îlot de chaleur urbain ».