Le portrait des premiers habitants des Amériques se précise… et se complexifie. De l’ADN extrait de dents ou d’os de 119 individus ayant vécu en Californie et dans le nord du Mexique — les plus récents, il y a 200 ans, les plus vieux, il y a 7000 ans — révèlent des migrations qui pourraient à leur tour expliquer la diversification des « langues indigènes » telle qu’elle serait observée, beaucoup plus tard, par les Européens.
Jusqu’ici, la théorie la plus répandue quant aux migrations dans cette partie du continent était qu’elles avaient suivi l’expansion de la culture du maïs, il y a environ 4300 ans: les premiers fermiers auraient ainsi progressivement remplacé les chasseurs-cueilleurs déjà présents. Et c’est ce qui, selon cette théorie, aurait conduit à la domination des langues dites uto-aztèques — répandues aujourd’hui dans une partie de l’ouest des États-Unis, au Mexique et dans une partie de l’Amérique centrale.
Or, ce que ces génomes révèlent, c’est que l’expansion de ces langues aurait pu avoir lieu un bon millier d’années plus tôt, ce qui veut dire qu’elles auraient leurs origines dans les peuples de chasseurs-cueilleurs, puisqu’on n’a jamais retrouvé de traces de cultures du maïs qui soient aussi anciennes.
Pour ajouter à la complexité du portrait, les plus anciens de ces génomes révèlent que ces chasseurs-cueilleurs auraient eux-mêmes pris la place de populations qui étaient déjà sur place. Ou du moins, qui étaient déjà passées par là.
Lors de l’arrivée des Européens dans le sud de la Californie dans les années 1500, le peuple chumash, qui était réparti dans 150 villes et villages représentant environ 25 000 personnes, le long de la côte du Pacifique, parlait six différentes langues : toutes appartenant à la famille uto-aztèque, mais dont la diversité avait été notée par les missionnaires catholiques de l’époque.
L’équipe dirigée par le généticien Nathan Nakatsuka, de l’École de médecine de l’Université Harvard à Boston, écrit dans son article, paru le 22 novembre dans la revue Nature, que l’ADN permet d’associer plus étroitement les plus anciens Chumash, ceux d’il y a 7400 ans, à un squelette vieux de 12 800 ans retrouvé au Montana (appelé Anzick-1). Mais compte tenu que d’autres génomes anciens, ceux-là retrouvés au nord-ouest du Mexique, se révèlent être plus étroitement liés aux Premières nations actuelles du Pérou, les chercheurs en concluent que ces peuples anciens du sud de la Californie et du nord du Mexique, bien que géographiquement voisins, ont très tôt formé deux lignées distinctes, l’une s’étant rendue jusqu’en Amérique du sud.
Plusieurs de ces 119 génomes proviennent de restes humains qui étaient conservés dans des musées, ce qui ouvre la porte à d’autres analyses en série du genre.