Si le style et la sensibilité distincts de Stéphane Brizé finiront certainement par se pointer le bout du nez, il offre quand même une étonnante proposition avec Hors-saison, en compétition officielle à la Mostra de Venise plus tôt cette année, qui se veut tour à tour amusant et bouleversant.
S’il est surtout connu pour ses films à caractère hautement social, il ne faudrait quand même pas oublier le talent inné qu’a le cinéaste Stéphane Brizé pour décortiquer les couples réels et/ou fantasmés de ses personnages qu’il développe avec une délicatesse unique. La comédie, par contre, disons que ce n’est pas un genre qu’on lui associe nécessairement. Étonnamment, cet essai vers l’humour qui s’aventure surtout du côté de l’absurde, fonctionne assez bien.
Bon, le ton pince-sans-rire qui semble s’attaquer aux absurdités des conventions, de la technologie et des balises de la société actuelle, semble nous ramener vers Denys Arcand et Nanni Moretti, sauf que ce n’est qu’un habile subterfuge pour finalement revenir plus près que jamais de son splendide Mademoiselle Chambon et nous émouvoir avec grande force au dernier tournant.
Là où Brizé surprend, cette fois, c’est par le biais de la mélancolie et des retrouvailles desquels il développe cette histoire d’aujourd’hui en parallèle avec les souffrances du passé.
L’acteur en crise existentiel? Rien de nouveau sous le soleil. Les anciens amants qui se retrouvent par surprise? Non plus. Additionnez les deux ensembles et l’intérêt se clarifie. La véritable clé de la réussite toutefois se résume en deux noms: Alba Rohrwacher.
En effet, une fois que sa Alice fait son apparition, elle occupe tout l’espace. Bien qu’on connaissait déjà son immense talent, sa performance d’un naturel crève-cœur désarmant est d’une telle pureté et d’une telle authenticité qu’elle ne fait qu’une bouchée de son partenaire Guillaume Canet, avec lequel une chimie non-négligeable opère avec beaucoup de flammèches.
Ce qui ajoute au côté humoristique, c’est que ce choix étonnant de casting complètement aux antipodes de son collaborateur habituel, Vincent Lindon, fonctionne. Oui, parce que Canet a la tête de l’emploi dans ce rôle relativement meta d’acteur de cinéma populaire qui aimerait être pris plus au sérieux par ses paires, mais aussi parce qu’il a les charmes irrésistibles, mais vaniteux qui vont avec le personnage. Et, sans trop de surprises, on n’est pas trop certains si Canet a vraiment saisi cet aspect plus toxique de son Mathieu.
Coécrit avec Marie Drucker (qui a d’ailleurs un excellent cameo vocal dans le film), on nuance grandement les regards, les désirs et la passion. On fait comprendre les répercussions de l’un envers l’autre et vice-versa et on y fait ressortir une dureté des sentiments qui est tout à son honneur. La passion et l’adultère ne sont pas qu’une partie de plaisir et la souffrance est savamment mise de l’avant.
Certes, on reprochera au film d’un peu revenir sur ses propos, notamment par le biais d’un dernier acte qui essaie un peu trop de finir les choses en beauté. Il y a un arc rédempteur que le film et un personnage en particulier ne méritaient probablement pas et qui contredit beaucoup de points majeurs soulevés précédemment.
Cela dit, il n’en demeure pas moins que Hors-saison est d’une précision et d’une sensibilité unique. Stéphane Brizé est l’un des grands cinéastes français contemporains et il le prouve à nouveau sans problème, sa mise en scène frôlant régulièrement l’admiration, tout comme de son utilisation audacieuse de la musique et des compositions de Vincent Delerm.
On lui souhaite seulement d’embrasser la douleur avec plus de force, de ne pas avoir peur de l’amertume lorsqu’il parle de l’amour, comme il le fait pourtant si bien lorsqu’il parle des travers de la société.
8/10
Pour l’instant, Hors-saison, présenté lors de la plus récent édition du festival Cinémania, n’a pas encore de distributeur au Québec. Habituellement les films de Stéphane Brizé sont acquis donc on peut toujours espérer pour une sortie en salle dans un avenir prochain, surtout qu’il ne sort que l’an prochain en France.