Est-ce un cabaret burlesque? Une série de nouvelles érotiques? Une façon, pour le public, de laisser tomber sa garde et de s’abandonner, le temps d’une soirée, à ses fantasmes inavouables? Peu importe l’explication choisie, la déclinaison 2023 des Érotisseries, présentée à l’Espace libre, a sans aucun doute réussi à échauffer les esprits, dans un savant mélange d’érotisme, d’audace, mais aussi de respect et de douceur.
Car il faut bien évidemment distinguer l’érotisme du sexe, ou encore de la pornographie. Dans cette prestation pour adultes tout à fait avertis, il ne s’agissait pas de montrer de la chair pour montrer de la chair, mais plutôt d’explorer l’univers érotique des trois interprètes, trois femmes qui livraient leur imaginaire érotique au public, en dévoilant leurs fantasmes ou leurs envies.
Ces envies, d’ailleurs, n’ont peut-être que très peu à voir avec le sexe comme tel: nous sommes généralement dans l’imaginé, dans l’intellectuel, dans le ressenti. Et surtout, semble-t-il, dans la volonté des trois interprètes de nous faire profiter de ce qui fait s’activer leurs neurones. Après tout, nombreux sont ceux et celles pour qui le fait de se dévoiler devant l’autre, ou même devant des inconnus, comporte une part de gêne. Cette gêne, ira-t-on même jusqu’à nous dire pendant le spectacle, est très souvent voisine de l’excitation, du désir.
Quoi de mieux, alors, que de s’offrir, de façon délicate et respectueuse, devant un groupe d’inconnus?
Pendant deux heures, ces Érotisseries ratisseront large, du simple rêve un peu sexy à l’équivalent d’une bacchanale, avec clowns et gâteau en prime. Et plus la soirée avance, plus le spectateur sera surpris, étonné, parfois amusé, et bien souvent émoustillé.
Pourtant, le spectacle souffre d’un problème de rythme: on comprend la nécessité d’offrir des numéros intercalaires entre des prestations nécessitant davantage de préparation, ou encore l’installation d’équipements spécifiques. On comprend aussi qu’il faut permettre au public de se mettre dans l’ambiance, plutôt que de commencer avec quelque chose qui pourrait paraître vulgaire ou déplacé, si nos esprits ne sont pas déjà suffisamment titillés.
Cela étant dit, outre trois ou quatre de ces grands numéros, justement, on serait bien en peine d’expliquer en quoi consiste le reste de la présentation. On se rappellera surtout de ces moments de grande beauté et de grande intensité, comme ce numéro de shibari, qui a fait frissonner d’excitation; cette danse lascive offerte à un spectateur, ou encore ce moment tendre mêlant bain sensuel et jeu avec le feu. Sans oublier les clowns. Comment oublier les clowns?
Ultimement, Les Érotisseries sont une vitrine inégale pour un érotisme tout aussi intellectuel (et intellectualisé) que profondément physique et charnel. On ressort de l’Espace libre en se disant que l’on vient de vivre une expérience collective qui se situe très, très loin de l’art théâtral traditionnel. À voir, donc… Mais en prenant bien soin de choisir un ou une invité(e) ouverte d’esprit, le cas échéant!
Les Érotisseries
Création, mise en scène et interprétation: Marie-Christine Simoneau, Catherine Desjardins-Béland et Éliane Bonin
À l’Espace libre, jusqu’au 9 décembre