Pour son premier long-métrage qui fut sélectionné à la prestigieuse Berlinale, Zeno Graton a voulu faire un beau film sensible, ce qui lui réussit plutôt bien. Dommage, toutefois, que dans le mélange des thématiques Le paradis se révèle un peu moins concluant, laissant surtout en mémoire la justesse de ses comédiens principaux, qui pourraient bien se retrouver à la prochaine cérémonie des Césars.
Succédant au réalisateur, qui était présent lors de la plus récente édition de Cinémania pour parler du film, le comédien Julien De Saint Jean, que l’on a découvert l’an dernier dans Arrête avec tes mensonges (aussi en compétition au festival Image+Nation de cette année), était sur place pour parler de son expérience sur les deux films.
Pour ce qui est du Paradis s’il conserve un excellent souvenir de cette expérience immersive qui lui fut très formatrice (ils ont tourné dans un vrai centre de détention pour mineurs), l’acteur a aussi noté que le film s’est beaucoup métamorphosé en post-production et lors de son montage, et que plusieurs moments ont été évacués du résultat final.
Ces changements, ces doutes et ces modifications expliqueraient peut-être pourquoi le long-métrage semble se présenter en demi-teintes. D’une part, le travail de recherche pour son sujet est évident. De par la similitude des thématiques et du lieu dépeint, on pense rapidement au sublime Short Term 12 qui était adapté des propres expériences de son cinéaste Destin Daniel Cretton, et sans jamais l’atteindre, on sent considérablement le désir d’authenticité de Graton, lui qui se montre toujours très soigné en ce qui concerne les univers qu’il dépeint. Son vibrant premier court-métrage Mouettes montrait déjà un sens de l’attention distinct.
Sauf qu’en voulant renouer avec la thématique de l’amour inédite, il délaisse cette fois une part de sa poésie, trop pris dans son besoin de réalisme. Il y a bien les ailes de l’art qui se pointent via le dessin, la peinture, la musique, la photographie et la danse, notamment, mais malgré les images évocatrices du talentueux Olivier Boonjing c’est malheureusement trop timide pour faire rêver. Ainsi, sa romance homosexuelle sur fond carcéral convainc beaucoup moins. La passion y est, mais elle s’imbrique mal au reste de l’ensemble.
Par ailleurs, si Julien De Saint Jean épatait beaucoup dans le film de Olivier Peyon, il se fait cette fois régulièrement éclipser par Khalil Ben Gharbia, découvert dans Peter von Kant de François Ozon, incandescent dans le rôle principal de Joe.
Leur chimie fait des étincelles et le talent de chacun est indéniable. Dommage que, justement, on ne creuse pas davantage dans ce grand bassin de possibilités et qu’on reste plutôt en surface du lien inévitable qui les unis. Il en va de même pour les autres jeunes du centre qui, malgré des performances souvent explosives des comédiens pour la plupart face à leur première expérience au grand écran, se retrouvent avec des rôles de soutien trop peu définis.
On regrette également que la dernière demi-heure, plus précipitée, enchaîne plusieurs avenues plus discutables où la crédibilité en prend un peu pour son rhume. Ce, jusqu’à sa toute fin qui ne se veut pas du niveau de réussite souhaité et recherché. Dommage parce que le scénario compte quand même sur l’apport de Clara Bourreau qui a participé auparavant sur plusieurs projets non négligeable dont le récent Divertimento qui s’intéressait aussi aux jeunes.
Impossible, toutefois, de passer sous silence la présence de la toujours admirable Eye Haïdara, véritable force tranquille du cinéma français, oui, mais aussi du long-métrage. Sa Sophie, l’une des employés du centre, est tour à tour la voix de la raison et de la bienveillance qui impose à l’ensemble la discipline, mais aussi une part de l’amour parental dont le film est démuni.
Le paradis est donc un beau film, mais qui manque de finition et n’arrive pas entièrement à rendre justice au travail de recherche de son réalisateur. Comme la prémisse d’une série télé prometteuse qui mériterait d’être creusée plus loin pour y déceler toute la grâce de ses forces, ses secrets et sa magie.
6/10
Après deux représentations en salle durant Cinémania, que ceux qui ont manqué Le paradis également présenté à deux reprises sur grand écran dans le cadre du festival Image+Nation se réjouissent. Bien qu’il n’ait toujours pas de distributeur au Québec, il sera disponible jusqu’au 26 novembre en ligne, soit pour toute la durée du festival, au coût de 10 $.
Mise à jour: la disponibilité du titre en ligne a été prolongée jusqu’au 3 décembre.