Vingt-quatre ans, toutes ses dents et beaucoup de talent. Disons que les qualificatifs ne manquent pas pour caractériser le jeune cinéaste Nathan Ambrosioni, qui est revenu en ville, à Montréal, et au festival de films Cinémania pour y présenter son très beau et sensible deuxième long-métrage Toni, en famille.
Cinq ans après son dernier passage, l’enthousiasme était palpable pour Nathan Ambrosioni et le public qui allait découvrir la maturité qu’a acquise le réalisateur depuis son très bouleversant Les drapeaux de papier.
Plus léger, mais avec ce regard juste et impressionnant, plein d’un amour indéniable pour ses personnages, il n’a certainement pas été happé par la malédiction du deuxième film et livre aisément une création d’une qualité que beaucoup de ses contemporains (pour la majorité plus âgés, n’ayons pas peur de le dire) n’arrivent pas à atteindre.
La famille, comme en fait foi le titre, est encore au centre de ses préoccupations, comme c’était également le cas dans les courts-métrages de Nathan Ambrosioni. Sauf que cette lumière et cet optimisme qu’il affiche ici est plus lisse, plus tendre et plus accessible que jamais, en plus d’être grandement aidés des magnifiques images de Raphaël Vandenbussche, qui sait capturer à merveille l’univers du film dans toute sa beauté et sa simplicité, sans jugement, sans artifices.
Bien sûr, les mots vont parfois à folle allure (le réalisateur doit jongler avec la dynamique d’une famille de six membres incluant cinq enfants dans la fleur de l’âge, ce qu’il fait d’ailleurs avec énormément de succès), mais la douceur gagne à tous coups, gracieuseté d’une performance exceptionnelle de Camille Cottin qui assure le rôle-titre.
On a souvent l’habitude de lui donner des rôles culottés et si le personnage de Toni n’est pas moins fort que toutes celles qu’elle a incarnées auparavant, on a rarement autant misé sur son humanité.
C’est ce pari d’avoir tout misé sur elle, comme elle est de toutes les scènes, qui s’avère la plus grande réussite du film, tout en réitérant le flair d’Ambrosioni pour assembler la brochette parfaite d’excellents comédiens. Après tout, son précédent film mettait en vedette le talentueux Guillaume Gouix, de retour ici dans un petit cameo, et l’irrésistible Noémie Merlant, tout juste avant de trouver la consécration dans Portrait de la jeune fille en feu.
Ici, tout pourrait foutre le camp si on ne croyait pas en la famille fictive et on peut heureusement annoncer qu’il n’y a pas un seul des jeunes comédiens et comédiennes, pour la majorité encore peu connue, qui ne soit pas époustouflant, d’un naturel d’une impeccable fluidité. Ils ont d’ailleurs tous fait leurs classes ailleurs et aucun d’eux n’en est à sa première expérience de tournage.
Au biais d’une petite chronique, on s’immisce le temps d’un instant dans cette bulle – comme le réalisateur aime bien la décrire – dans cette famille belle, accessible et imparfaite. On y voit leurs victoires et leurs peines, leur quotidien non pas dénué d’embûche pour cette mère monoparentale qui fait du mieux qu’elle peut pour joindre les deux bouts en jonglant avec les répercussions d’un passé notable (on vous garde la surprise) et d’un futur qu’elle aimerait encore reprendre entre ses mains.
Tout à son honneur, le jeune cinéaste qui assure par ailleurs son propre montage tient à ne pas tout amplifier ou même alourdir de trop d’explications. Beaucoup d’éléments du passé et même du présent sont gardés sans qu’ils soient entièrement définis (le père en particulier), ce qui ajoute au mystère et à ce parti pris pour l’avant, pour ce désir de foncer sans trop regarder en arrière.
C’est un peu aussi ce qui finit par faire un peu mal au film. Au travers de sujets importants, on ouvre beaucoup de portes et on s’assure de donner des épreuves distinctes pour chacun des personnages qui, parfois, s’entrecroisent entre elles. Malheureusement, on ne donne pas toujours suite à ces chemins empruntés ni ne se permet toujours de les approfondir, de se donner le temps, ce qui finit par donner une impression de surface à l’ensemble qui fait ombrage au reste. Comme si on s’approchait plus que jamais de cette famille dans son quotidien, mais qu’on ne nous permettait pas réellement et entièrement d’en faire partie pour percer toute la profondeur de leurs émotions, qu’importe à quel point on s’y reconnaît.
Toni, en famille n’en demeure pas moins un feel-good movie brillant (souvent très drôle et très juste) et fort d’une lucidité riche à découvrir. Un long-métrage conçu avec un soin palpable qui nous fait passer, avec bonheur, par une large gamme d’émotions.
À noter que la projection dans le cadre de Cinémania s’est poursuivie avec une discussion incluant le cinéaste, mais aussi l’actrice Camille Cottin en vidéoconférence en direct de France. Une conversation qui nous a permis de découvrir son énergie unique et attachante qu’on ne risque pas d’oublier.
Il a entre autres été question de la générosité de l’actrice qui a été présente lors de tous les jours de tournage et qui s’est commise à des conditions de tournage pas toujours facile, comme conduire dans un rond-point pendant des heures pour jouer et rejouer ad nauseam la même scène dans une grande chaleur avec un professionnalisme honorable, mais aussi du talent inné du réalisateur qui prépare déjà un nouveau drame qui devrait lui permettre de retrouver l’actrice avec qui est née une grande amitié.
6/10
Malgré son succès en France et la présence de Camlle Cottin au générique, au moment d’écrire ces lignes, Toni, en famille n’a toujours pas de distributeur au Québec. Il n’y a donc pas de sortie de prévue pour l’instant.