Produites lors de l’activité physique, les myokines participent à la régénération des cellules de notre système immunitaire. Si elles font l’objet de recherches prometteuses pour le traitement de nombreuses maladies, ces substances encore mystérieuses inspirent l’espoir à la danseuse et chorégraphe Anne Plamondon pour le très beau ballet de danse contemporaine qu’elle présente actuellement au public montréalais.
C’est comme chorégraphe qu’Anne Plamondon s’exprime dans Myokine. Ses sept magnifiques danseurs (deux hommes et cinq femmes) offrent une performance très physique, pleine de force et de sensibilité, de puissance et de compassion, où les corps s’expriment dans des solos, des duos et plus souvent de superbes coordonnés dans lesquels elle a l’art d’introduire les éléments les uns après les autres de manière très habile.
Les costumes, des vêtements simples composés de tee-shirts superposés et de pantalons en tissus souples et soyeux sont finement harmonisés dans leur couleur dominante autour du prune, du rouge ou du bordeaux avec quelques touches discrètes de kaki et de bleu. La musique parfois grave, parfois douce, donne une grande place à la musique sérielle, très envoûtante et presque hypnotique. Mon seul bémol scénographique serait cette fumée inutile, selon moi, et qui ne fait que réduire la visibilité du public pour les performances dansées.
Au démarrage, deux projecteurs discrets laissent apercevoir en clair-obscur un corps d’un côté et ceux des six autres danseurs de l’autre. L’un des six finit par traverser cette limite symbolique qui les sépare pour faire couple avec le corps solitaire.
De multiples thèmes semblent transparaître dans les très beaux mouvements des danseurs. On peut évoquer ces corps qui finissent par tous se retrouver au sol, anéantis, et cette danseuse qui doucement, en portant aide à l’un d’eux, et en montrant sa force personnelle, redonne vie à tous les autres. Avant cela, on les voit tous courir vers nous ou reculer rapidement comme s’ils glissaient sur le sol. À d’autres moments on les devine robotisés ou tels des animaux traqués, peut-être poursuivis par des chasseurs armés d’un arc. Les interprétations peuvent être multiples et sont laissées au soin du public qui se régale des corps des danseurs en mouvement.
Anne Plamondon a l’art du coordonné. Elle ne se contente pas de jouer avec les possibilités infinies des corps de ses danseurs; de manière très subtile, elle intègre chacun d’eux au groupe qu’ils constituent ensuite ensemble mais dans lequel ils conservent quelque chose de leur individualité.
Dans Myokine, Anne Plamondon a voulu dégager l’espoir que lui inspiraient ces substances sécrétées par le corps humain en mouvement. Au-delà de leur esthétique irréprochable, ses chorégraphies sont sensibles sans renoncer à la force, puissantes sans renoncer à la douceur, collectives sans renoncer à l’individualité. Et sa touche finale, bien que toute simple, est particulièrement émouvante.
Myokine
Chorégraphie: Anne Plamondon
Interprètes: Diana Leon, Eden Solomon, Eowynn Enquist, Isak Enquist, Judy Luo, Justin Rapaport et Raphaëlle Sealhunter
Du 14 au 18 novembre 2023, à la Cinquième salle de la Place des Arts à Montréal