La hausse du coût de la vie continue de peser lourdement sur les finances des ménages canadiens; selon une nouvelle étude publiée par Statistique Canada, la proportion de familles se trouvant en situation d’insécurité alimentaire a augmenté, entre 2021 et 2022, pour passer de 16 à 18 %.
Au dire de l’agence fédérale, ce sont, sans surprise, les mères célibataires, les familles autochtones et les ménages noirs qui sont les plus touchés par cette situation.
Ce qui ressort surtout de cette nouvelle étude, toutefois, c’est le fait que le revenu, à lui seul, n’est pas un facteur suffisant pour expliquer que des ménages se retrouvent davantage en état d’insécurité alimentaire que d’autres; de fait, 8 familles sur 10 se retrouvant dans cette situation disposaient pourtant d’un revenu supérieur au seuil de la pauvreté.
Et si, chez les 11 % de familles canadiennes gagnant un salaire inférieur au seuil de pauvreté, la proportion de ménages souffrant d’insécurité alimentaire atteint les 35 %, c’est-à-dire que le phénomène touche plus du tiers des ménages en situation de pauvreté, Statistique Canada précise que divers facteurs s’ajoutent au salaire pour expliquer cet état de fait, soit « la stabilité du revenu, les actifs et l’endettement, l’accès à du soutien provenant de la famille ou de la communauté, et le coût de la vie ».
Des causes économiques
Parmi les différents facteurs ayant fait croître le nombre de ménages en situation d’insécurité alimentaire, l’inflation occupe une place de choix.
Après tout, rapporte l’étude, entre janvier 2021 et juin 2022, l’inflation générale a été multipliée par huit, passant de 1 %, en plein ressac de la pandémie, à 8,1 % en juin de l’an dernier. La croissance des prix des aliments, elle, a suivi une courbe similaire, dépassant même le taux général d’inflation pour atteindre 8,8 % à la même date. « Il s’agit de la plus forte variation annuelle observée en 40 ans », mentionne l’agence fédérale.
Et en épicerie, le phénomène s’est accentué davantage, la hausse du prix du carburant, utile à presque toutes les étapes de la production et de la distribution de produits alimentaires, venant se greffer à la hausse du prix des aliments comme telle. De nombreux observateurs, économistes et groupes de pression ont dénoncé, au passage, ce qu’ils considèrent comme des augmentations abusives des prix en épicerie, accusant du même coup les grands détaillants de profiter de la crise inflationniste pour gonfler leurs marges bénéficiaires.
Si Statistique Canada ne se penche pas sur cette question, l’agence précise toutefois que le taux d’insécurité alimentaire varie selon les provinces, notamment en raison des programmes visant à lutter contre la pauvreté.
Ainsi, le Québec était, en 2022, la région du pays où le taux d’insécurité alimentaire moyen était le plus bas, à 14 %. À l’opposé, Terre-Neuve-et-Labrador (23 %), le Nouveau-Brunswick (22 %) et l’Alberta (22 %) se retrouvent en fin de classement.
Statistique Canada indique aussi que c’est à Edmonton (21 %) que l’on trouve le taux d’insécurité le plus important, au pays, alors que cette proportion baisse à 14 % pour la région d’Ottawa-Gatineau.
Et puisque le coût de la vie est généralement plus élevé en ville qu’à la campagne, le phénomène de l’insécurité alimentaire suit la même tendance: dans les régions urbaines, 19 % des ménages sont aux prises avec ce problème, contre 15 % dans les zones rurales.
Les femmes monoparentales fortement touchées
L’écart de revenus entre les hommes et les femmes vient également renforcer la question de l’insécurité alimentaire chez les ménages canadiens. Ainsi, 21 % des familles dont le principal soutien économique est une femme se retrouvaient dans cette situation, l’an dernier, contre 14 % des familles où un homme est la principale source de revenus.
Cela peut s’expliquer, indique Statistique Canada, par « les différences entre les genres dans les niveaux de revenu. En 2021, le revenu annuel médian après impôt des familles dont le principal soutien économique était une femme s’établissait à 58 200 $, alors qu’il s’élevait à 76 600 $ chez celles dont le principal soutien économique était un homme « .
L’agence ajoute « qu’en 2022, près de la moitié (48 %) des mères célibataires qui vivaient sous le seuil de la pauvreté et 40 % de celles qui se situaient au-dessus du seuil de la pauvreté étaient en situation d’insécurité alimentaire ».
« Les mères célibataires les plus exposées au risque d’insécurité alimentaire étaient celles qui présentaient d’autres facteurs de risque interreliés, comme le fait de ne pas avoir de diplôme d’études secondaires, d’être au chômage et de vivre dans un logement locatif. Le taux d’insécurité alimentaire était le plus élevé chez les mères célibataires autochtones ou noires. »
Sans surprise, toujours, les personnes séparées, divorcées et célibataires étaient plus susceptibles de se retrouver en état d’insécurité alimentaire. Idem pour les ménages où le principal soutien économique n’a pas complété d’études universitaires.
Enfin, 5 % des familles canadiennes se trouvaient en état d’insécurité alimentaire « grave », l’an dernier, ce qui signifie qu’elles étaient incapables de se payer les aliments pour manger trois repas par jour, tous les jours, et devaient donc jeûner à certaines occasions.