L’annulation de la décision Roe c. Wade par la Cour suprême, aux États-Unis, et le recul du droit à l’avortement qui en a découlé, a renforcé l’appui des Américains pour le droit des femmes à gérer leur santé reproductive, révèle une nouvelle étude.
Les résultats de celle-ci ont été publiés dans Nature Human Behaviour.
« Nos conclusions démontrent à quel point la Cour suprême (à majorité républicaine, NDLR) est déconnectée du public américain », affirme Sean Westwood, coauteur de l’étude et professeur associé en gouvernance au Dartmouth College, ainsi que directeur du Polarization Research Lab.
Les conclusions de l’étude s’appuient sur un vaste sondage réalisé en trois vagues; tout d’abord avant la fuite, le 2 mai 2022, de la version brouillon de la décision faisant tomber Roe c. Wade; après la fuite, mais avant le jugement, puis après la décision de la Cour suprême.
L’équipe a également examiné comment les perceptions des droits liés à l’avortement pourraient avoir été affectées par la télévision et les médias sociaux.
L’étude a démontré que les perceptions du public sur le moment où un foetus peut être considéré comme viable a changé, passant de plus de 15 semaines à moins de 15 semaines de gestation, en moyenne.
Les idées autour de la légalité constitutionnelle de l’avortement ont aussi changé, alors que les participants au coup de sonde sont devenus plus nombreux à affirmer que l’interruption de grossesse devrait être légale pour les femmes qui le désirent, avec une proportion ayant augmenté de 2,4 points de pourcentage, entre les semaines avant le jugement, et après ce dernier.
Et après la fuite de l’opinion juridique, la légitimité de la Cour suprême a diminué de 11,3 points de pourcentage chez les démocrates, alors qu’elle a augmenté de 3,2 points de pourcentage chez les républicains, indique encore l’étude.
La Cour, une organisation partisane?
« Les Américains sont de plus en plus nombreux à considérer la Cour suprême comme une organisation partisane et non pas une institution judiciaire neutre », affirme encore le Pr Westwood. « Si l’appui du public en faveur des décisions de la Cour varie, la légitimité de la Cour est demeurée stable à travers les années. Les Américains n’aimaient pas que leur camp perde en Cour suprême, mais une défaite ne les poussait pas à remettre en question le mandat du plus important tribunal du pays. »
Toujours selon le chercheur, « le fait qu’une seule décision puisse avoir un effet aussi important sur la perception de la légitimité de la Cour est incroyable, et est emblématique de notre ère contemporaine polarisée ».
« Aujourd’hui, une décision de la Cour suprême n’est plus simplement vue comme une victoire ou une défaite pour un groupe, mais plutôt comme quelque chose qui affecte la légitimité même de l’institution. »
Cette affaire traitée par la Cour était non seulement spéciale en raison de l’intérêt médiatique qu’elle a généré lorsque le verdict a été rendu, mais les médias se sont aussi intéressés aux délibérations, en plus de se pencher sur les possibles verdicts, ainsi que sur la fuite. Une vaste part de la couverture médiatique s’est aussi articulée autour du fait que la Cour pourrait aller à l’encontre de l’appui du public en faveur de l’accès à l’avortement.
« Le fait de restreindre le droit à l’avortement est fortement opposé à la volontaire populaire, et notre étude démontre que le public s’est tenu debout après le jugement, alors que l’appui à ce droit des femmes a pris de l’ampleur après la décision de la Cour », rappelle le Pr Westwood.