Le retour du président Lula da Silva n’y change rien: selon une nouvelle thèse de doctorat, les grandes corporations brésiliennes sont en mesure de payer des politiciens influents, dans ce pays d’Amérique du Sud, ou encore de s’assurer que leurs amis obtiennent des postes importants, histoire de déterminer les politiques climatiques de cette nation.
La thèse en question, rédigée par Anaide Ferraço, de l’Université Leiden, aux Pays-Bas, s’articule autour des questions de pouvoir. « Le problème est que le fait d’utiliser des stratégies de pouvoir est partie intégrante de la société brésilienne », affirme l’autrice des travaux.
« Ces stratégies de pouvoir sont employées à tous les échelons de la vie politique – national, étatique, régional et municipal – pour maintenir le statu quo. Il existe des projets d’énergie verte, comme le solaire et l’éolien, mais l’influence des oligarques sur les politiques publiques signifie que l’impact de ces projets est bien moindre que celui qu’il devrait être. »
Le barrage de Belo Monte
L’un des grands exemples de cette influence des oligarques, écrit Mme Ferraço, est celui du barrage de Belo Monte, dans la forêt de l’Amazonie. Bien que les premiers plans pour cette installation remontent jusqu’en 1975, il a fallu plus de 30 ans pour qu’un accord soit conclu en vue de sa construction, en partie en raison du très grand impact de ce bâtiment sur l’environnement, la biodiversité et les communautés locales.
Il a été conclu que le barrage allait générer bien moins d’énergie que promis, en raison du fait que les changements climatiques ont réduit la quantité d’eau qui peut alimenter les turbines, rappelle l’autrice.
Mais malgré tous les impacts, le barrage a été construit malgré tout, et cela s’explique entre autres par l’influence des oligarques, soutient la chercheuse.
« Le barrage, qui est maintenant complété, est un exemple typique d’un projet « capturé » par les politiciens », soutient ainsi Mme Ferraço. « Les compagnies des oligarques ont promis bien plus qu’elles ne pouvaient offrir, entre autres afin de gagner en influence en ce qui concerne d’autres projets énergétiques au Brésil. L’impact du barrage sur les gens vivant dans la région a été réduit. Le réservoir émet de grandes quantités de méthane, la région est devenue moins sûre, plutôt que plus riche, et les conditions de vie des peuples autochtones se sont dégradées, puisqu’il est maintenant plus difficile de pêcher dans la rivière. »
Quelles solutions?
Toujours selon la scientifique, le système politique brésilien n’est pas non plus à l’abri des jeux d’influence. Comme dans plusieurs autres pays, les politiciens sont élus pour des mandats de quatre ans, « ce qui les mène à se concentrer sur des solutions à court terme ».
De fait, écrit-elle, les élus « s’appuient largement sur des politiques vertes dépassées qui n’entraînent pas vraiment de changements ».
« L’État, dénonce la chercheuse, vient d’accepter un projet de forage pétrolier à l’embouchure du fleuve Amazone. Puisque l’endroit est situé à 500 kilomètres de l’Amazonie, cela est supposé être sécuritaire. Mais il serait bien mieux avisé d’investir dans le solaire ou l’éolien. Malheureusement, les compagnies qui oeuvrent dans ces domaines sont très petites et ne sont pas assez influentes pour accomplir quoi que ce soit dans la sphère politique. »
Même si Mme Ferraço n’est pas heureuse de la dépendance du gouvernement brésilien envers le pétrole et d’autres combustibles fossiles comme le gaz naturel, elle dit être contente des démarches entreprises par l’actuel gouvernement du président Lula da Silva.
Sous l’ancien chef d’État, le représentant de l’extrême droite et émule de Donald Trump Jair Bolsonaro ne priorisait pas le climat, et plusieurs membres de son gouvernement niaient même l’existence des changements climatiques.
« Lula da Silva est vraiment différent dans ce domaine, parce qu’il prend la crise climatique au sérieux et possède des gens, au sein de son gouvernement, qui savent ce dont ils parlent. Mais ce n’est pas comme s’il pouvait agir immédiatement. Plusieurs des partisans de Bolsonaro siègent toujours au Congrès, et ils ont encore beaucoup de pouvoir. Alors, malheureusement, les vrais changements en matière de politique climatique, au Brésil, nécessiteront encore bien du temps. »