Si l’humanité veut conserver 50 % de chances de limiter le réchauffement mondial à 1,5 degré Celsius, tel que spécifié dans l’accord de Paris sur le climat, nous ne pouvons plus émettre que 250 gigatonnes supplémentaires de CO2, soit l’équivalent de six années d’émissions polluantes, au rythme mondial, avant de devoir atteindre l’équilibre, indique une nouvelle étude publiée dans Nature Climate Change.
Les travaux en question, réalisés par Chris Smith et Robin Lamboll, respectivement de l’Université de Leeds et de l’Imperial College de Londres, rappellent que le niveau actuel d’émissions, à l’échelle planétaire, est d’environ 40 gigatonnes de CO2 par an. « Et puisque ce nombre a été calculé en début de 2023, notre délai pourrait plutôt s’approcher des cinq ans », écrivent les chercheurs.
Les deux hommes disent avoir révisé les données liées au « budget carbone », c’est-à-dire la quantité de gaz à effet de serre qui peut encore être émise sans dépasser un certain niveau de réchauffement, qui étaient contenues dans le rapport du GIEC, le groupe d’experts sur le climat lié à l’ONU, et où l’on évoquait 500 gigatonnes de CO2 encore « disponibles » au début de 2020.
« Certaines de ces révisions ne sont qu’une question de timing: trois ans et environ 120 gigatonnes de CO2 émis plus tard, la planète se rapproche du seuil de réchauffement de 1,5 degré Celsius », disent les spécialistes.
Ceux-ci disent aussi avoir amélioré les méthodes de calculs permettant de déterminer le budget carbone, ce qui a fait diminuer la marge de manoeuvre carbone de l’humanité.
Les deux hommes affirment également avoir tenu compte des autres gaz à effet de serre émis par l’humanité, outre le dioxyde de carbone, le tout en s’appuyant sur diverses bases de données portant sur de futurs scénarios en matière d’émissions polluantes.
« Une partie du réchauffement provoqué par les GES est compensé par les aérosols qui refroidissent l’air, comme les sulfates, des polluants atmosphériques qui sont émis en même temps que le CO2 par les voitures et les fourneaux », dit-on.
« Presque tous les scénarios en matière d’émissions envisagent une diminution des aérosols, peu importe que les combustibles fossiles soient retirés du marché ou que les émissions de CO2 se poursuivent sans ralentir. Même dans des scénarios où les émissions de CO2 augmentent, les scientifiques s’attendent à voir des normes plus strictes en matière de qualité de l’air et de combustion. »
Et si le GIEC, dans son plus récent rapport, parvient justement à quantifier l’effet « refroidissant » de la pollution sur le climat, un resserrement des normes, au cours des prochaines années, devraient faire disparaître un autre 110 gigatonnes du budget carbone, jugent les chercheurs.
Tout n’est pas perdu
Les auteurs de l’étude précisent qu’il ne faut cependant pas désespérer devant ces mauvaises nouvelles. « Il est important de souligner que plusieurs aspects des estimations du budget carbone sont incertains », écrivent-ils.
« L’équilibre des gaz polluants qui ne sont pas du CO2 dans le cadre des scénarios d’émissions peut être aussi important, en ce qui concerne le budget carbone restant, que les différentes interprétations dont le climat pourrait réagir. »
Les scientifiques admettent cependant ne pas savoir si la planète va cesser de se réchauffer si l’humanité parvient à un point d’équilibre de ses émissions de CO2. « En moyenne, les modèles climatiques indiquent que ce sera le cas, mais certaines prévisions évoquent plutôt un réchauffement qui se poursuivra pendant des décennies après l’atteinte du « zéro net ». »
Cela, expliquent-ils, viendrait davantage réduire le budget carbone actuel.
« Le temps manque pour limiter le réchauffement planétaire à une moyenne de 1,5 degré Celsius », martèlent les chercheurs. « Mais cela ne veut pas dire que nous devrions abandonner tout espoir. Notre mise à jour indique aussi que pour limiter le réchauffement à 2 degrés Celsius, il nous reste environ 30 ans avant de parvenir à zéro net. »
Et les auteurs de l’étude proposent surtout ce message: « 1,5 degré Celsius de réchauffement n’est pas une barrière solide derrière laquelle se trouve un chaos climatique. En agissant pour réduire nos émissions, nous pouvons encore limiter le réchauffement à 1,6, ou 1,7 degré Celsius. Avec comme objectif de ramener les températures à 1,5 degré de réchauffement à long terme. Voilà un objectif tout à fait noble. »