Il n’y a pas que l’argent, dans la vie; il y a aussi le pouvoir, révèle une nouvelle étude. La recherche en question, publiée dans Perspective on Politics, indique que plus du dixième des milliardaires de la planète ont déjà détenu ou cherché à obtenir des postes politiques électifs.
Dans le cadre de leurs travaux, des chercheurs de l’Université Northwestern ont analysé la participation politique de plus de 2000 personnes apparaissant sur la liste des milliardaires de Forbes; ils ont constaté que les milliardaires concentraient leurs ambitions politiques autour de postes influents, possédaient un solide historique de victoires électorales et se trouvaient à la droite de l’échiquier politique.
« Si les milliardaires exercent officieusement une influence en coulisses, via des contributions financières, la manipulation des médias et des liens tissés avec la classe politique, il est frappant de constater le nombre de milliardaires qui cherchent eux-mêmes à occuper des postes électifs », mentionne le professeur associé Daniel Krcmaric, dont les travaux de recherche se concentrent sur les relations internationales.
Les auteurs des travaux ont constaté l’existence de vastes variations à l’échelle internationale: le nombre élevé de politiciens milliardaires dans un pays n’est pas simplement lié au nombre de milliardaires, mais dépend plutôt de la forme du gouvernement en place. Le taux de participation politique des milliardaires dans les autocraties atteint ainsi 29 %, alors que dans les démocraties, ce taux tourne environ autour de 5 %.
Dans certains pays où la concentration de la richesse est particulièrement importante, les milliardaires sont moins portés à se lancer directement en politique. Par exemple, le taux de milliardaires américains effectuant le saut en politique oscille autour de 3,7 %, soit bien en-deçà de la moyenne mondiale de 11 %.
Par comparaison, les milliardaires sont bien plus portés à se lancer en politique dans la Russie post-soviétique et en Chine, un pays où un seul parti politique est autorisé. De fait, plus du tiers (36 %) des milliardaires chinois se lancent en politique, soit environ 25 points de pourcentage de plus que la moyenne planétaire.
Et à l’opposé, bien que le Japon compte 33 milliardaires, contre 32 en Australie, toujours selon la liste de Forbes, aucun d’entre eux n’a jamais cherché directement à se faire élire.
Protéger son argent et agir en coulisses
Au dire des chercheurs, les milliardaires profitent des autocraties pour se lancer en politique en vertu de deux facteurs: tout d’abord, il existe des motifs plus importants de protection de la richesse sous ces régimes politiques; ensuite, écrit-on, il existe toute une série de voies « discrètes » pour exercer une influence politique informelle, dans une démocratie.
« Même en vertu d’une comparaison avec d’autres groupes d’élites connus pour compter des politiciens dans leurs rangs, 11 % de milliardaires au pouvoir ou cherchant à se faire élire est un taux élevé de participation politique – et les milliardaires ont également tendance à jouer des rôles soutenus et importants au sein des systèmes politiques de leur pays », indique le coauteur Stephen Nelson, qui se spécialise en politique et économie internationales et comparées.
Les données des chercheurs ont aussi révélé que les milliardaires ont davantage tendance à chercher à faire élire à l’échelle nationale qu’à l’échelle régionale ou municipale, les trois quarts des postes recherchés ou obtenus ayant été à l’échelle fédérale. La richesse des milliardaires leur permet ainsi bien souvent de passer par-dessus les échelons inférieurs, habituellement considérés comme une façon de faire ses classes.
Par ailleurs, l’arrivée des milliardaires en politique n’est pas toujours accompagnée d’une velléité d’exercer une influence sur les politiques publiques. Dans les autocraties, par exemple, il peut s’agir d’une façon de démontrer sa loyauté par rapport au régime en place. Ce faisant, ces nouveaux politiciens aux poches profondes pourraient ainsi s’assurer de protéger leur fortune.
« Si nous voulons vraiment comprendre qui nous gouverne, nous devons continuer d’examiner l’implication des milliardaires en politique », affirme un autre coauteur de l’étude, Andrew Roberts.