En plus des milliards de dollars investis dans plusieurs pays par la Chine, pour la construction ou la rénovation de routes, d’aéroports, d’infrastructures portuaires ou ferroviaires, l’initiative connue sous le nom de « nouvelle route de la soie » commence aussi à avoir un impact sur la science.
C’est que parmi ces fonds, on en trouve qui ont servi à créer des partenariats entre des universités chinoises et certains de ces pays —pour la plupart des pays à faibles ou moyens revenus. Au début d’octobre par exemple, une collaboration entre l’Académie chinoise des sciences et les musées nationaux du Kenya a abouti à la parution du premier des 31 volumes de la Flore du Kenya —qui, à terme, devrait cataloguer 7000 espèces de plantes. Dans un registre complètement différent, à la mi-octobre, le Pakistan et l’Azerbaïdjan se joignaient à d’autres nations dans le cadre d’un partenariat pour la construction d’une base lunaire chinoise dans les années 2030.
Dans un éditorial publié le 24 octobre, la revue britannique Nature encourage l’Europe et les États-Unis à ne pas se tenir à l’écart. Ils « seraient bien avisés de se joindre à cet effort, qui pourrait contribuer à résoudre des crises économiques, environnementales et politiques ».
Certes, il existait depuis longtemps des partenariats scientifiques entre ces pays et l’Europe ou les Etats-Unis. Les investissements massifs de la Chine dans ce qui s’appelle aussi la « ceinture économique de la route de la soie » sont donc une opportunité supplémentaire pour des pays en voie de développement. Qui plus est, au cours du sommet tenu ce mois-ci à Beijing pour souligner le 10e anniversaire de l’Initiative, le président chinois a même promis une expansion : le nombre de centres de recherche partenaires serait censé atteindre la centaine d’ici cinq ans, et de nouvelles rencontres internationales sont au calendrier pour 2024, dans des domaines allant de l’agriculture à la propriété intellectuelle en passant par l’énergie nucléaire.
Le problème est que les tensions géopolitiques récentes, autour de Taïwan et de l’Ukraine, ajoutées aux craintes d’espionnage des dernières années de la part de la Chine et aux menaces de guerres économiques contre le nouveau géant, ont mis un frein à certaines de ces coopérations. Ce que l’éditorial de Nature considère comme une dérive dangereuse: « mettre fin aux contacts de personne à personne et interrompre des relations institutionnelles de longue date dans le monde de la recherche, n’est pas une façon de s’attaquer aux changements climatiques, d’empêcher des guerres ou d’éviter une autre crise financière internationale ».
La nouvelle route de la soie a ses lacunes, rappelle l’éditorial en citant un rapport de 2022 de l’Université Cambridge: plusieurs des infrastructures ont été construites sans grande attention pour la biodiversité locale, ni sans grande consultation avec les populations locales. Mais l’initiative a donné naissance à des échanges d’étudiants et de chercheurs qui auraient été autrement impossibles à financer, et ces échanges « ne disparaîtront pas », quoi qu’en pensent les pays occidentaux. Or, les grands enjeux de pauvreté et d’environnement qui pointent à l’horizon auront besoin d’une approche « multilatérale et appuyée sur de la recherche ».