Bloquer l’approvisionnement en eau à Gaza ne fait qu’empirer une situation qui était grave… depuis des décennies.
Au départ, Israël existe dans une région pauvre en eau. Toute l’histoire du pays est accompagnée par le développement de technologies pour recycler les eaux usées et dessaler l’eau de mer. Mais l’apport en eau que cela représente est insuffisant, en particulier pour l’agriculture, et c’est la raison pour laquelle les deux sources naturelles d’eau s’épuisent progressivement.
L’une des deux sources est constituée des cours d’eau. L’autre, des eaux souterraines. La saison des pluies, de novembre à mars, est insuffisante pour pallier à leurs déclins respectifs, et le lac de Tibériade, dans le nord, alimenté notamment par le Jourdain, a vu son niveau baisser depuis les années 1990. Qui plus est, les pluies sont moindres dans le sud, là où se trouve Gaza.
Les eaux souterraines, elles-mêmes divisées en deux aquifères, ont donc été soumises à une plus forte pression au cours des dernières décennies. L’un des deux, l’aquifère côtier, s’étend sur 120 kilomètres, jusqu’à la bande de Gaza, au sud. La surexploitation et la pollution industrielle et agricole, ont mis à rude épreuve cet aquifère au point où, dans les années 2000, la concentration de sel y a augmenté.
Il y a déjà deux décennies que des stations de pompage ont dû cesser leurs activités en raison de la mauvaise qualité de l’eau. Depuis, la pollution, l’intrusion du sel de la Méditerranée et le pompage accéléré de l’aquifère dû à la très forte densité de population dans la bande de Gaza et au blocus imposé depuis 16 ans par Israël, ont empiré la situation. En 2019, selon un rapport du Bureau palestinien des statistiques, 97 % de l’eau pompée dans l’aquifère côtier n’atteignait pas les normes de qualité de l’Organisation mondiale de la santé. En 2020, selon une étude internationale incluant des chercheurs palestiniens, le taux de salinité ne pourrait être légèrement amélioré que si le pompage de l’aquifère était réduit de 50 %.
Il y a donc déjà longtemps que la population locale doit compter sur des camions-citernes pour son approvisionnement en eau potable, en plus, pour environ le tiers de ses besoins, de petites usines de désalinisation de l’eau de mer. Ces dernières fonctionnaient toutefois de façon intermittente, en raison des coupures régulières de courant; enfin, les restrictions à l’importation d’équipements à cause du blocus ont empêché des réparations depuis des années.
C’est dans ce contexte lourd que se produit l’interruption de tout approvisionnement, incluant l’eau, depuis les attaques terroristes du 7 octobre, de même que l’interruption de l’électricité —qui met à l’arrêt les centres de traitement des eaux usées et les usines de désalinisation.
À cette situation déjà dramatique pour 2,3 millions d’habitants, s’ajoute à présent le risque de maladies causées par l’utilisation d’eau impropre à la consommation, en premier lieu la dysenterie et le choléra. C’est une des raisons pour lesquelles l’Organisation des Nations unies classe l’accès à une eau propre parmi les « droits humains ».