Un décor de théâtre pour ce très beau ballet du chorégraphe Andrew Skeels. Car Past Rooms, présenté dans le cadre intimiste de la Cinquième Salle, est une déclinaison sur l’absence de l’être aimé, le fantasme de la réconciliation du couple qu’on a formé avec lui, l’amour qui se maintient même si on a décidé de rompre et qu’on n’y reviendra pas, le chagrin qui en découle pour soi et pour l’autre, et le côté un peu ridicule que l’on présente à l’entourage qui ne ressent pas du tout les mêmes émotions et vaque tranquillement à ses occupations.
Dans un bel intérieur un peu vintage, un homme lit tranquillement son journal pendant qu’un autre pleure à chaudes larmes en enterrant son amour. Celle qu’il aime toujours est étendue comme morte : morte pour lui mais on ne peut plus vivante aussi puisque cette rupture, semble-t-il, occupe tous ses esprits et ses émotions. Et il en est de même pour elle, accrochée à ce téléphone qui sonne et ne fait jamais entendre sa voix à lui dont, d’ailleurs, elle ne veut plus entendre le son…
Ce sont toutes ces contradictions, ambivalences et attachements tenaces qui demeurent au-delà de la rupture amoureuse, qui sont présentées dans ce ballet original où les scènes dansées pleines de poésies et de romantisme s’intercalent avec d’autres, volontairement burlesques, qui montrent l’indifférence ou l’incompréhension de l’entourage.
Les chorégraphies, souvent des duos avec quelques solos et danses coordonnés pour les six excellents artistes sur scène s’attachent beaucoup aux mouvements des bras qui s’entremêlent, des jambes qui se multiplient, des corps qui glissent sur le plancher en bois lisse de la scène. Les performances sont très belles. Les musiques bien choisies, tristes et sentimentales ou légèrement décalées et drôles.
La mise en scène se dote de multiples effets : déplacements des meubles, armoire quasiment miraculeuse d’où sortent de multiples surprises, marionnettes qui s’expriment dans ce spectacle qui se rattache indéniablement à de la performance dansée de très haut niveau, sans vraiment de narration, mais avec un thème qui transparait dans tous les éléments mis en œuvre, de la musique aux chorégraphies en passant par les objets ou les costumes.
Le spectateur assiste à une sorte de rêve, la manifestation onirique des effets de l’amour après qu’on l’a définitivement perdu et qu’on ne sait plus soi-même si on voudrait ou non le retrouver.
Past Rooms
Danse Danse
Chorégraphie: Andrew Skeels
Interprètes: Jean-Sébastien Couture, Marilyne Cyr, Jose Flores, Danny Morissette, Silvia Sanchez et Anna Sanchez.
Mise en scène: Andrew Skeels, David DiGiovanni et Joe De Paul.
Dramaturgie: David DiGiovanni et Robert Vezina.
Past Rooms, du 17 au 21 octobre 2023 à la Cinquième salle de la Place des Arts, à Montréal