Après les problèmes d’approvisionnement survenus durant la pandémie, au cours desquels voir des étagères vides, dans des supermarchés britanniques, n’était plus une situation impensable, plusieurs experts estiment que des situations similaires pourraient entraîner des émeutes de la fin au Royaume-Uni, pourtant un pays industrialisé et membre du G7, d’ici les prochaines décennies.
Dans des travaux publiés dans le magazine spécialisé Sustainability, les chercheurs Sarah Bridle et Aled Jones ont cherché à connaître les impacts de futures crises, en interrogeant des penseurs, des spécialistes des politiques publiques, des organisations caritatives et des entreprises.
En vertu des conclusions de l’étude, des pénuries alimentaires découlant d’événements climatiques catastrophiques pourraient entraîner de la désobéissance civile, voire de graves problèmes en matière d’ordre public d’ici les 50 prochaines années. Des pénuries d’aliments de base comme le blé, le pain, les pâtes et les céréales seraient les facteurs les plus probables du déclenchement d’une telle crise sociale.
Au dire des chercheurs, le système alimentaire britannique semble particulièrement vulnérable aux problèmes à grande échelle; cela peut s’expliquer, entre autres, par le fait que ledit système s’appuie sur l’efficacité, écrit-on, plutôt que sur la résilience, soit la capacité d’encaisser des chocs, puis de s’en remettre.
Cette approche, poursuit-on, comprend une forte dépendance au travail saisonnier et aux pratiques comme les chaînes d’approvisionnement permettant le « juste à temps », où les produits sont livrés précisément au bon moment.
Pour les auteurs de l’étude, cela démontre l’importance de mettre au point des plans pour aider le Royaume-Uni à se préparer en vue des risques associés à de futures pénuries alimentaires.
Invités à évaluer les possibilités que le pays vive une situation où plus de 30 000 habitants seraient violemment blessés, sur une période d’un an, en raison de manifestations ou de pillages, les experts ont été plus de 40 % à estimer que ce scénario était soit « possible », soit « plus probable que non » au cours des 10 prochaines années. Sur une période de 50 ans, ce sont près de 80 % des spécialistes interrogés qui croyaient que des troubles sociétaux étaient possibles, voire « fortement possibles ».
Ce sont également plus de 80 % des experts interrogés qui jugent que d’ici 10 ans, des problèmes logistiques entourant la distribution de nourriture étaient la cause la plus probable de violences.
Cependant, sur un horizon de 50 ans, c’est carrément l’incapacité du système alimentaire britannique de répondre à la demande qui est mis en cause par plus de la moitié (57 %) des spécialistes consultés. Cela s’expliquerait, dit-on, par une situation où les récoltes seraient catastrophiquement mauvaises.
Un pays qui dépend des importations
À peine moins de la moitié des produits alimentaires consommés au Royaume-Uni sont importés, y compris 80 % des fruits, 50 % des légumes et 20 % du boeuf et de la volaille. Tout problème dans la chaîne d’approvisionnement et tout retard dans les importations peut donc avoir un impact marqué sur l’accessibilité de la nourriture en sol britannique.
En retour, cela pourrait faire bondir les prix et, ultimement, mener à des troubles sociaux, voire des émeutes de la faim.
De fait, la pandémie, le Brexit et la crise du coût de la vie ont tous souligné la vulnérabilité du Royaume-Uni face à ce genre de risques, rappellent les chercheurs. Entre avril et août 2022, alors que l’inflation prenait les ménages à la gorge, plus de la moitié des banques alimentaires du pays ont mentionné qu’au moins 25 % des gens ayant recours à leurs services le faisaient pour la première fois.
Les événements climatiques extrêmes se produisent aussi plus souvent, un phénomène souvent alimenté par la crise climatique, affirment les auteurs des travaux.
En 2007, d’ailleurs, la production mondiale de céréales avait chuté de 8 % en raison de sécheresses, d’inondations et de vagues de chaleur en Australie, en Inde et aux États-Unis. Ces événements, combinés à des stocks limités à l’échelle mondiale, de la spéculation et des prix élevés pour de l’engrais, avaient fait plus que doubler le prix des céréales, déclenchant des émeutes de la faim dans plus de 30 pays.
Pour s’attaquer aux risques en sol britannique, les auteurs de l’étude suggèrent de s’attaquer entre autres à la pauvreté alimentaire, histoire de s’assurer que les gens ont accès à des produits alimentaires de qualité à bas prix.
Pour ce faire, il est proposé de travailler à restaurer les sols endommagés, à améliorer les conditions de travail dans l’industrie alimentaire, et à prioriser les pratiques agricoles durables, entre autres propositions. Il faut aussi mieux lutter contre la crise climatique, plaide-t-on.