Notre cerveau est très bon pour compter jusqu’à 4… mais pas plus. Les psychologues qui étudient ces questions l’avaient en fait constaté depuis longtemps: nous pouvons estimer d’un coup d’oeil une quantité de quatre objets ou moins, mais notre « performance » diminue très rapidement à mesure que la quantité augmente.
Même un économiste avait écrit là-dessus en… 1871: « le nombre cinq est au-delà des limites » de notre « pouvoir de discrimination numérique », écrivait dans Nature William Stanley Jevons. Du moins, au-delà des limites de « certaines personnes », parmi lesquelles il s’incluait.
Ce qui, au passage, en dit long sur la difficulté qu’ont bien des gens à jongler avec des probabilités, qu’il s’agisse du risque induit par un vaccin ou des chances de gagner à la loterie…
Or, une étude en neurosciences réalisée en Allemagne vient de révéler que ce sont deux mécanismes différents qui semblent être à l’oeuvre dans le cerveau humain: lorsqu’on a montré à 17 volontaires, pendant une demi-seconde, une quantité de quatre points ou moins sur un écran, puis lorsqu’on leur en a montré cinq ou plus, l’activité de leurs neurones était différente. Et le taux d’erreur lorsqu’on leur demandait d’estimer très vite le nombre de points augmentait à partir de cinq. Les résultats sont parus le 2 octobre dans la revue Nature Human Behaviour.
Ça pourrait être une information importante, non pas juste pour comprendre comment nous calculons, mais comment nous pensons. Car plusieurs animaux ont montré une capacité à compter quelques unités, mais eux aussi atteignent vite leurs limites. Il se pourrait donc qu’il y ait derrière ce fonctionnement de nos neurones quelque chose de fondamental à ce qu’est devenu l’intellect humain: estimer un petit nombre d’objets — par exemple, des fruits — peut s’avérer utile dans la nature, mais compter un grand nombre nécessite une forme de réflexion ou de pensée abstraite qui nous serait unique. Et que tout le monde ne maîtrise pas de la même façon.