Difficile de passer inaperçu avec un premier long-métrage aussi éclaté que Perdrix. Le cinéaste Erwan Le Duc relève toutefois aisément le défi du deuxième film avec une proposition encore plus éclatante et maîtrisée qu’au premier tour: le flamboyant et touchant La fille de son père.
La mise en scène calculée et précise de Le Duc marque rapidement l’imaginaire, puisqu’il dirige ce quotidien a priori banal tel un ballet où les gestes sont habilement chorégraphiés et cadrés. C’est principalement le cas lorsqu’il s’intéresse au soccer, qu’on aura rarement vu au grand écran représenté avec autant de poésie.
C’est qu’on a droit à un cinéaste qui a l’œil. Sa collaboration avec le brillant directeur de la photographie Alexis Kavyrchine aide, principalement lorsqu’on voit les couleurs qu’il parvient à rendre à l’écran, lui qui a travaillé aussi avec Klapisch et Dupontel, notamment.
Sauf qu’on ne peut nier que Le Duc a aussi le flair pour s’intéresser avec verve à ses personnages, mais également pour trouver une candeur inédite dans les dialogues, dans leurs manières de réagir et d’ainsi sortir des sentiers connus ou attendus, tout en déjouant et en empruntant presque essentiellement les voies qui surprennent et désarment chaque attente que tous spectateurs pourraient avoir.
Certes, on voit rapidement venir la prémisse, qu’on ait lu ou non le synopsis, le titre donnant déjà la puce à l’oreille quant à cette absence qui surgit assez tôt dans le récit. Pourtant, bien que le drame ne soit jamais trop loin, c’est encore l’humour, la justesse et la singularité qui intéressent ici.
Rien ne serait gagné d’avance sans les bons interprètes et ici, on vise dans le mille. En plus d’apparitions mémorables, Maud Wyler est encore admirable dans un rôle plus en retrait, mais c’est la chimie implacable entre Nahuel Pérez Biscayart (remarqué dans 120 battements par minute et Au revoir là-haut) dans le rôle d’Étienne, le père, et la jeune Céleste Brunnquell, dans le rôle de Rosa, la fille, qui fait autant battre les cœurs. Il faut les voir s’attirer et s’éloigner, se comprendre et se questionner pour saisir, autant dans les échanges que dans les non-dits, toute la beauté du fossé et de la complicité qui se tisse entre les deux.
Impossible également de ne pas mentionner la présence franche et hilarante de Mohammed Louridi dans le rôle du petit copain de Rosa qui évoque autant Gaspard Ulliel que Quentin Dolmaire, dans une performance que ne refuserait certainement pas Desplechin.
Le montage précis de Julie Dupré et la musique envoûtante de Julie Roué (dont l’utilisation détonne souvent avec brio), ajoutent certainement à l’ambiance par moment unique du film qui semble vivre dans son propre microcosme de fantaisie. Il y a d’ailleurs, en avançant, un certain sentiment où l’on semble brouiller les pistes entre le réel et le fantasmé ou l’imaginaire qui rend admirable cette manière de faire rêver le spectateur et non pas de lui donner toutes les réponses ou même de le lover à tout prix dans le concret.
Un choix judicieux d’un film imminemment romantique qui parle après tout autant d’art, de poésie que des changements climatiques inévitables. À noter aussi que le troisième acte ne sera d’ailleurs peut-être pas donné à tout le monde, mais la fin est une réussite admirable et marquante.
Jamais tout à fait conte ou même fable, jamais non plus entièrement réaliste bien qu’on s’y retrouve dans presque tous les recoins, La fille de son père fait rêver. Il est beau et émouvant et se dévoile à nous comme un magnifique cadeau qu’on a presque immédiatement la folle envie de revoir.
8/10
Pour l’instant, il n’y a pas de dates de sorties d’annoncées pour La fille de son père.