Olivier de Sagazan est biologiste à l’origine, mais aussi peintre, sculpteur, un peu philosophe et concepteur de spectacles de performances. La messe de l’âne, présentée à l’Usine C dans le cadre du festival Phénomena, est un véritable phénomène: les six artistes sur scène se métamorphosent par le jeu de modelages de leur corps et de leurs visages à l’aide d’énormes quantités d’argile. Le spectateur s’en trouve subjugué, au cœur d’une création artistique en progression pour différents tableaux où le pastiche et le rire s’allient à l’étonnement et à l’admiration.
La messe de l’âne… le titre évoque déjà une belle parodie du sacrifice symbolique d’un animal dont on dit qu’il est stupide, comme le sont bien des humains, et qui évoque aussi de grandes œuvres littéraires, d’Apulée à Shakespeare, entre autres. Mais Olivier de Sagazan est aussi inspiré par la peinture classique et par l’actualité.
Ses différents tableaux sont des satires de représentations picturales anciennes de vieil ecclésiastique ou de la Genèse ou encore de scènes de dissection où tout est toujours parodié. L’ecclésiaste baille à se décrocher la mâchoire et joue à crachoter des petits bouts d’hostie, Adam et Ève se font hermaphrodite, la dissection est d’abord une scène d’hôpital où la médecine s’exerce approximativement et où l’équipe médicale se transforme et assemblée de saints auréolés dans le monde au-delà.
Du côté politique, on a un futur président qui dans un discours fumeux et incompréhensible sauf à repérer quelques mots clés s’adresse à un peuple épuisé par sa course folle, ses halètements qui se sont fait musique, et qui se plaint dans des langages inaudibles et a besoin de se défouler.
Un autre tableau montre comment un satyre devient l’esclave de sa victime et bien d’autres encore… Bref, l’imagination de Sagazan est sans limite et s’exerce en particulier à travers la matière boueuse et modelable de l’argile qui permet les transformations incroyables et en direct des corps et des visages.
C’est du jamais vu. C’est à la fois original et particulièrement courageux de donner à ses idées autant de matière réelle. Les sculptures des masques se font devant le spectateur et parfois à l’aveugle, puisque l’argile recouvre tout, et en particulier les yeux de ceux qui les modèlent.
On pourrait craindre que tout cela soit un peu salace et provocateur, mais non. C’est drôle, c’est intelligent et c’est même très beau par moments pour des tableaux, toujours emplis de cette terre glaise, mais où les corps et les costumes dansent langoureusement ensemble et apportent une certaine poésie.
On regrettera que le spectacle ne soit proposé que deux soirs. Olivier de Sagazan est un artiste à suivre. Espérons qu’on le reverra bientôt sur une scène de Montréal.
La messe de l’âne
Festival Phénomena
Interprétation: Olivier de Sagazan, Maureen Bator, Borna Babić, Shirley Niclais, Stephanie Sant, Ele Madell
Un commentaire
Je regrette vraiment d’avoir manqué cette pièce qui a tout pour m’attirer. Ta critique ne fait qu’augmenter mon regret. 2
jours : ce n’est vraiment pas suffisant . J’aime beaucoup tes critiques . C’est la première fois que j’en parcours quelques uns. J’y reviendrai c’est certain. Margo