Jus de betterave, suppléments alimentaires et régimes de toutes sortes ont la cote dans le monde du sport. Comme tous les athlètes cherchent à améliorer leurs résultats, les produits sont nombreux sur la ligne de départ, mais ils ont souvent une saveur de pseudoscience.
« Le sport ne fait pas exception en matière de pseudosciences et d’abus de produits douteux. Il est temps de promouvoir la pensée critique » auprès des athlètes et de tous ceux en quête d’une meilleure performance, soutenait le directeur de l’Organisation pour la science et la société (OSS) de l’Université McGill, Joe Schwarcz, lors de la récente édition du Symposium scientifique sur l’usage et l’abus des sciences – et des pseudosciences – dans le sport.
Si on connaît bien l’image du dopage dans le sport –une conférence portait d’ailleurs sur le sujet – la prise de produits aux allégations trop belles pour être vraies, contamine un milieu en quête du dépassement de soi.
Les adeptes des divers suppléments s’avèrent nombreux chez les sportifs de haut niveau. « Beaucoup en prennent pour améliorer les performances et récupérer plus vite. Ils vont faire confiance à leur coach et manqueront de réels conseils pour éviter les produits contaminés et qui peuvent leur nuire sur le long terme », confirme l’escrimeur canadien Alex Cai, membre de l’équipe olympique de Tokyo, en 2021.
Comme le rappelle le Centre canadien pour l’éthique dans le sport, les athlètes sont néanmoins responsables pour les produits problématiques qui pourraient se retrouver dans leurs suppléments.
Champions de la diète
La promotion de ces produits est portée par des vedettes des réseaux sociaux suivis par des millions d’abonnés. « Des athlètes comme Tom Brady et Cristiano Ronaldo vantent du « non-sens scientifique » pour vendre des produits et suppléments censés donner de la vitalité et de l’énergie », sanctionne le chercheur en science de l’exercice au Centre médical Harbor de l’Université de Californie, Nicholas B. Tiller.
Ces athlètes influencent alors tous ceux qui cherchent à maintenir leurs foulées, se maintenir en santé ou perdre du poids.
Tiller, qui est aussi auteur du Skeptic’s Guide to Sport Science – Confronting Myths of the Health and Fitness Industry, rappelle qu’ils sont généralement commandités par des compagnies qui produisent ces substances : « même le champion de tennis Novak Djokovic » se fait commanditer pour propager de la pseudoscience.
Il donne également l’exemple de ventouses (« cupping »), pour récupérer après une épreuve sportive, utilisées par le nageur olympique Michael Phelps. « Une technique ancestrale chinoise qui n’est ni scientifique ni prouvée. »
Dès 2005, une étude sur les suppléments sportifs avait montré que de nombreux produits étaient contaminés, notamment par une variété de stéroïdes anabolisants et androgènes – y compris la testostérone et la nandrolone ainsi que par l’éphédrine et la caféine. « Un sur sept contenait des stéroïdes – ce qui pourrait exclure ces athlètes des compétitions », rappelle le Pr Tiller.
Cette contamination peut résulter de mauvaises pratiques de fabrication, mais il existe des preuves de falsification délibérée des produits.
Sans compter le problème des processus de fabrication, comme le souligne Elizabeth Mansfield, de l’Institute for Better Health (Ontario). « Il y a des mélanges de protéines et de plantes sans vraiment savoir, ni comment c’est fait, ni les interactions qui pourraient exister entre les produits. »
Le Pr Schwarcz relève par ailleurs que l’étiquetage de ces produits pose un problème de taille : « le plus souvent, on n’a pas la liste complète de ce que l’on retrouve vraiment dans ces contenants ».
Pour le cardiologue et associé de l’OSS, Christopher Labos, les compagnies savent très bien que ce qui est mis dans la bouteille peut contrevenir à la règlementation canadienne, mais c’est une grande source de revenus pour elles.
De plus en plus de personnes en prennent donc sans savoir exactement ce qu’elles prennent. C’est l’espoir du gain inattendu ou de la petite amélioration qui fera la différence entre deux athlètes sur la ligne d’arrivée. « Si tu n’es pas le premier, tu as perdu, c’est pourquoi on va tout faire pour gagner», illustre Elizabeth Mansfield.
Les plus jeunes seraient les plus à risque d’écouter les avis et conseils de ceux qui « veulent leur bien ». « C’est souvent un masseur ou un entraineur qui a beaucoup d’influence sur le sportif, plus rarement un nutritionniste sportif », ajoute-t-elle.
Et le monde du sport suit avec attention les avancées scientifiques et les nouvelles études pour dénicher la diète qui fera la différence. Celle du moment est la diète enrichie de betteraves – suite à une petite étude (10 personnes) qui affirmait que ça donnait plus de muscles.
Et qu’en est-il de la diète cétogène – ou « diète kéto » ou «very low carb diet» – faible en glucides et protéines, mais riche en gras? Nicholas Tiller relève de très petits bénéfices chez les sportifs et peu de recherches scientifiques de qualité pour soutenir les allégations.
Ses adeptes lui attribuent tout à la fois une perte de poids rapide, un regain d’énergie, une récupération rapide… « On ne voit pas tout ça en clinique, il y a très peu d’amélioration au niveau des performances, alors que cela coûte très cher de s’alimenter de cette façon. »
Quant aux boissons sportives énergisantes, comme le Red Bull, elles seraient à boire avec modération car le plus souvent, elles contiennent de la caféine, entre autres choses. « De nombreuses boissons dites « énergisantes » contiennent des molécules qui ne sont pas tolérées par tous et pas recommandées aux plus jeunes », note encore Mme Mansfield.
Sans compter « qu’au-delà de l’effet placebo, ils risquent de se retrouver avec des problèmes médicaux qu’ils n’avaient pas avant», résume le Dr Labos.
Comment manger pour se dépasser?
Bien s’alimenter est avant tout ce qui compte pour donner le meilleur de soi. Pour être en santé et actif, il n’y a pas de substituts ou de suppléments nécessaires à une diète alimentaire équilibrée.
« Il faut viser à faire le plein d’énergie dans notre assiette pour bien alimenter notre corps. Le défi est de trouver l’information crédible dans la montagne de communications autour de la nutrition sportive », lance Elizabeth Mansfield, qui est aussi spécialiste clinique en diététique sportive et physiologiste clinique de l’exercice.
Elle relève que la plupart d’entre nous n’avons pas besoin de manger une assiette d’athlète haute en calories pour courir 30 minutes et faire le tour de notre quartier.
Ces assiettes sont souvent très riches en carbohydrates – énergie à long terme, que l’on retrouve dans les céréales, pâtes et riz, les fruits et les légumes riches en amidon (comme les patates). En consommer avant et pendant les compétitions d’endurance peut améliorer la performance et une récupération rapide.
La prise de protéines importe aussi pour les sportifs, tout comme pour la population en général. « Tout le monde en manque. On ne met pas assez de protéines – des acides aminés essentiels— dans nos assiettes, alors que cela optimise les apports énergétiques nécessaires à notre activité sportive », note-t-elle.
Elle recommande de prendre entre 1,2 g et 1,6 g de protéines par kilo de masse corporelle par jour. Ce qui représenterait environ 30 g de protéines à chaque repas. « Cela va ralentir le déclin de la masse musculaire, particulièrement chez les plus de 60 ans, et réparer les muscles endommagés pendant l’effort. »
Et pas juste de la viande, des œufs et du poisson: de nombreuses protéines issues des plantes (soya, légumineuses, noix et graines, etc.). Et lors de nos efforts sportifs, il faut penser à bien s’hydrater – prioritairement avec de l’eau.
À l’heure où de nombreuses personnes s’informent sur les réseaux sociaux, Mme Mansfield rappelle qu’il importe de se méfier de certains gourous alimentaires. Il vaut mieux aller directement dans une clinique de nutrition sportive ou consulter son médecin, celui qui a en main notre dossier médical, avant d’entreprendre des changements radicaux dans notre alimentation.
« La nutrition sportive, c’est un marché lucratif générant des millions de dollars. Il importe d’aller à la source de l’information et de suivre les données scientifiques, mais surtout d’aller à la base de l’alimentation – avec des aliments sains et les moins industriels possible. Le supplément devrait venir en dernier », ajoute Mme Mansfield.
Bref, une simple nutrition variée et saine aidera le sportif, qu’il soit de haut niveau ou du dimanche, à « performer », à prévenir la fatigue et les blessures, à mieux récupérer après l’effort et à atteindre de meilleurs résultats. Aucun supplément ne pourra remplacer ça!