Artiste qui brilla de tous ses feux durant les années 1950, mais surtout les années 1960, avant de retomber peu à peu dans l’obscurité, la créatrice multidisciplinaire Marisol a maintenant droit à une ambitieuse rétrospective au Musée des Beaux-Arts de Montréal.
Dès le sept octobre, ce sont plus de 250 oeuvres et documents qui permettront au public de renouer avec cette artiste, ou encore de découvrir son talent à la fois indéniable et franchement particulier pour l’art visuel sous presque toutes ses formes.
Née en 1930 en France de parents vénézuéliens, Marisol, de son vrai nom Maria Sol Escobar, ne mettra que très peu de temps avant de se faire remarquer pour son dos pour l’art pictural, mais aussi pour la sculpture, le moulage, la réutilisation d’objets trouvés, voire éventuellement la photo.
Touche à tout, débarquée dans le milieu artistique au moment où survient l’émergence du pop art, avec la frénésie sociale, politique et culturelle des années 1960, voilà qu’elle met à sa main des enjeux aussi divers et complexes que la condition féminine, la politique internationale, ou encore l’identité double des immigrants… quand elle ne combine pas tout cela en un maelstrom créatif qui surprend bien souvent par son audace.
Impossible, en effet, de ne pas voir ces statues gigantesques en bois, que l’on comptera par dizaines dans les salles du musée: aux couleurs de présidents, de femmes célèbres, ou même de l’artiste elle-même, ces oeuvres évoquent à la fois l’exagération physique de Botero et une volonté d’ébranler les colonnes du temple en allant au-delà des codes. Nous sommes dans les sixties, après tout: tout est à déconstruire, à transgresser, à repenser, à réimaginer.
Et devant une oeuvre aussi foisonnante, aussi multiple, on peut se demander pourquoi le nom de Marisol n’est pas aussi célèbre, par exemple, que celui d’Andy Warhol, qui a pourtant connu la créatrice. Est-ce parce que l’on ne retrouve pas, dans le gigantesque catalogue bariolé de Marisol une oeuvre aussi percutante que les fameuses boîtes de soupe Campbell? Est-ce parce que Marisol a eu une production plus éclatée?
Ou est-ce pour une raison un peu plus insidieuse? Les nombreuses coupures de presse parlant des années de gloire de Marisol offrent peut-être une piste de réponse: les activités de l’artiste sont largement cantonnées aux publications féministes, ou ont plutôt droit à un traitement réducteur, l’inspiration et l’art se trouvant restreintes à cette « beauté exotique » ou « étrangère » qui crée des sculptures.
Sexisme ordinaire ou pas, l’oeuvre et la vie de Marisol ont donc droit à un sérieux dépoussiérage entre les murs du MBAM, et c’est tant mieux: on est époustouflés par tant d’imagination, tant de créativité, avec des oeuvres qui n’ont largement pas pris une ride. Oui, les références politiques sont peut-être un peu datées, mais l’esprit demeure le même. Quant à l’idée de faire réfléchir, de secouer les gens, le but est largement atteint: parcourir cette exposition, c’est se soumettre à un choc culturel important, tout en se faisant rappeler que l’art joue son rôle essentiel d’éveilleur des consciences.
Exposition frondeuse, exposition nécessaire, cette rétrospective Marisol a cela de bon qu’elle rappelle que oui, les musées peuvent encore étonner, surprendre et aller jusqu’à nous couper le souffle. Et c’est tant mieux!
L’exposition Marisol: une rétrospective est présentée jusqu’au 21 janvier 2024.