L’expansion du BRICS, un groupe de pays d’abord formé du Brésil, de l’Inde, de la Chine, de la Russie et de l’Afrique du Sud, et qui comptera maintenant six membres de plus (Argentine, Égypte, Éthiopie, Iran, Arabie saoudite et Émirats arabes unis) dès janvier prochain, représentera une coalition renforcée des pays « autres » sortant de la sphère occidentale, mais cet élargissement sera accompagné de son lot de problèmes, juge un nouveau rapport.
Le document en question, produit par l’Economist Intelligence Unit (EIU), indique ainsi que « ce nouveau BRICS représente une parti impressionnante de l’économie mondiale, du commerce international et de la population de la planète », mais que « son influence économique sera limitée par des divisions internes et l’absence de structures institutionnelles officielles ».
On mentionne par ailleurs que plusieurs nouveaux arrivants au sein du BRICS sont de grands producteurs pétroliers, ce qui pourrait avoir motivé la Chine et l’Inde à accepter ces membres supplémentaires, alors que la Russie pourrait avoir fait pression pour que l’Iran, qui est déjà dans la sphère d’influence de Moscou et qui fournit des armes au Kremlin, notamment des drones destinés à la guerre en Ukraine, soit lui aussi intégré.
Une grande puissance économique, vraiment?
Avec 11 membres, le futur BRICS pèsera lourd dans la balance économique: selon les données de l’EIU, ces pays représenteront 38 % de la puissance d’achat mondiale, en hausse de cinq points de pourcentage.
Ce nouveau bloc équivaudra aussi à 46 % de la population de notre planète, en progression de trois points de pourcentage; dans ce domaine, l’Inde et la Chine sont évidemment les deux plus grands joueurs, avec plus d’un milliard d’habitants chez l’un comme chez l’autre.
En comparaison, le G7, qui rassemble le Canada, les États-Unis, le Japon, l’Italie, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, ne compte que pour 10 % de la population et 29 % du PIB. Le G7 représente toutefois davantage d’exportations mondiales que le futur BRICS, soit 29 % contre 23 %, précise-t-on.
Tout n’est toutefois pas rose, chez les partenaires du BRICS. La Chine et la Russie ont beau considérer ce groupe comme étant en opposition aux institutions occidentales, qui englobent notamment le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, plusieurs autres membres ne sont pas spécifiquement intéressés à abandonner ces institutions et les échanges en dollars; c’est notamment le cas de l’Inde, écrivent les auteurs du rapport.
« La Chine, la Russie et le Brésil sont les principaux partisans de cette idée d’en finir avec le rôle de leader du billet vert américain lorsque vient le temps de faciliter les transactions et les investissements à l’échelle internationale », lit-on dans le document.
Cependant, ce même dollar américain compte pour 90 % des transactions à l’échelle mondiale en matière de devises étrangères; en tout, près de la moitié du commerce mondial s’effectue avec cette devise.
Une déclaration commune à la fin du sommet du BRICS, lors duquel l’expansion a été annoncée, n’a d’ailleurs fait aucune mention de cette volonté.
« Nous pourrions progresser vers un monde multipolaire, où le dollar domine dans les Amériques, l’euro sur le Vieux Continent et le renminbi chinois en Asie, estiment les auteurs du rapport. Cependant, cela prendrait des décennies à se matérialiser, une période pendant laquelle le dollar demeurera la monnaie de réserve à l’échelle mondiale. »
Tensions internes
Par ailleurs, la Chine et l’Inde sont en guerre territoriale larvée depuis des années, avec des escarmouches à mains nues, ou encore avec des armes telles que des bâtons et des boucliers, dans la région montagneuse qui représente leur frontière commune.
L’intégration de l’Iran, un pays criblé de sanctions par l’Occident en lien avec son programme nucléaire, pourrait représenter un poids économique, idem pour ses mauvaises relations avec les futurs membres du Moyen-Orient, affirme l’EIU.
Quant à l’Égypte et l’Éthiopie, qui doivent toutes deux rejoindre le futur BRICS, ils sont à couteaux tirés en raison du gigantesque barrage sur le Nil bâti par le second, qui fait craindre au premier que l’approvisionnement en eau de ce fleuve essentiel à ses activités agricoles ne soit plus suffisant.
Le rapport de l’EIU fait aussi état des problèmes économiques de la Chine, sans oublier l’usure de l’économie et de la société russes dans le contexte de la guerre en Ukraine, qui semble s’enliser de plus en plus.
« Le groupe du BRICS ne devrait pas devenir une construction économique et géopolitique solide, malgré toutes les briques que l’on peut tenter d’ajouter à l’édifice », concluent les auteurs du rapport.