Les amants de Colette ont un rendez-vous galant et intime avec elle, ici même, à Montréal. En chair et voix, par l’incarnation d’une comédienne au regard bleu clair de vie : Macha Limonchik. Un siècle et demi a coulé dans le sablier de la modernité depuis que l’écrivaine née a ouvert les yeux sur le monde. Et depuis, aucune mode n’estompe son œuvre, la liberté 360 de son personnage Claudine.
Exceptionnellement pour le FIL, l’écrivain Yergo offre une œuvre personnelle, un billet doux et admiratif sur Colette dans tous ses états.
Femme de cran
Sur la genèse de ce texte inédit conçu en juin dernier, Yergo raconte une douce parenthèse. Celle de la relation qu’avait tissée Macha Limonchik et la poétesse Hélène Monette disparue en 2015. La comédienne s’était prêtée à la lecture de ses vers, un exercice expressif méritant une seconde vie. C’est ainsi que se présente Colette version 2023 dans un monde autre, avec son panache.
En la déplaçant dans le temps, Yergo cherche à lui redonner vie comme si elle était parmi nous, mais surtout, à revenir en arrière, à l’époque où sa bisexualité assumée choquait.
Éviter tout atténuement et lui redonner sa dureté de femme indépendante, libre d’esprit à une époque aux idéologies tranchées où Colette demeurait libertaire. Politiquement hors de la norme et des idéologies dominantes, elle a influencé tout le mouvement de la liberté sexuelle, rappelle-t-il.
Loin du travail du romancier, Le vent respire pour toi fut un labeur nouveau pour le romancier. Une démarche qui pose d’autres exigences pour donner corps à un texte parlé, de surcroît sur un personnage tel que Colette. Convaincu que la femme de Lettres aurait pu vivre parmi nous, Yergo va jusqu’à l’inscrire à la littérature québécoise, avec son accent bourguignon qui ressemble à l’accent québécois. Femme devenue Parisienne très tôt dans son existence, il voit en elle une force d’authenticité chez celle qui est originaire du village de Saint-Sauveur en France. Un autre lien avec Saint-Sauveur des Laurentides.
Penseur universel, l’écrivain positionne Colette comme appartenant à la génération Z, avec sa force et ses prises de position contemporaines. Car après tout, elle est la « première superstar queer de la littérature occidentale »!
Si l’écrivain voue un tel culte à Colette, grande intellectuelle autodidacte, c’est aussi parce qu’elle s’est faite par elle-même à partir d’un milieu modeste. Contrairement à Gide et Proust qui sont de la grande bourgeoisie, ou Virginia Woolf, sa culture fut acquise autrement, par un sens du concret marqué. « Elle a développé une façon d’aborder le monde à travers sa mère métisse de Jamaïque qui avait aussi une forme d’indépendance d’esprit qui serait remarquable aussi aujourd’hui… »