Pour les amateurs de jeux de tir à la première personne, il est une légende; même bientôt 30 ans après la sortie de son titre le plus connu, Doom, John Romero demeure une personnalité connue et appréciée de l’industrie, même si son étoile a forcément pâli, avec les années. Mais le voilà qui, porté par un regain d’intérêt pour sa vie et son parcours, publie son autobiographie.
Intitulé Doom Guy: Life In First Person, l’ouvrage est bien des choses à la fois: bien sûr, un résumé de la vie de Romero, un exercice facilité par le fait que l’individu en question possède, nous dit-il, une mémoire quasi photographique; mais aussi un rappel, souvent fort détaillé, du processus de création des jeux qui sont venus définir ce que sont ces FPS, ce genre qui est largement né avec Wolfenstein 3-D, Doom et, possiblement à moins grande échelle, avec Quake.
Enfin, il s’agit aussi d’une recension fascinante des gigantesques transformations technologiques qui ont secoué, à plusieurs reprises, non seulement le monde de l’informatique, mais aussi l’industrie du divertissement dans son ensemble.
À partir de ses origines modestes, alors qu’il a grandi dans la pauvreté, sous la férule d’un père alcoolique et violent, Romero a trouvé refuge d’abord dans les jeux d’arcade, puis dans la programmation. Pour lui, les différents langages informatiques ont été une porte de sortie d’une existence terne. Grand bien lui en fit, d’ailleurs, puisque son arrivée dans l’industrie est survenue au moment où l’informatique à la maison prenait définitivement son envol, avec l’Apple II, et éventuellement le PC d’IBM.
Cet envol, ce fut aussi celui des jeux vidéo, un domaine au sein duquel John Romero réussira rapidement à exceller. Souvent aux dépens de son sommeil ou de sa vie personnelle, mais telles étaient ces années folles où les studios de jeux comptaient rarement plus qu’une poignée de gens, et où le développement se comptait en nombres de semaines, au pire en nombre de mois, plutôt qu’en nombre d’années.
C’est d’ailleurs probablement là l’un des aspects les plus fascinants de cette autobiographie: Romero est l’un de ces développeurs légendaires qui ont non seulement vécu cette accélération folle des progrès technologiques, mais qui ont aussi, par leur inventivité, contribué à faire de l’industrie du jeu vidéo ce qu’elle est aujourd’hui.
Avec parfois beaucoup, beaucoup de détails, on comprendra ainsi comment, par exemple, la très petite équipe d’id Software, a rapidement pu passer des visuels de Wolfenstein 3-D, déjà révolutionnaires pour l’époque, à la secousse sismique que fut Doom, en un peu plus d’un an à peine.
Cette course à la nouveauté et la volonté de toujours se réinventer fut d’ailleurs ce qui provoqua l’éclatement de l’entreprise, tout juste après la sortie de Quake. Quand une équipe est brûlée et épuisée après un travail de développement aussi frénétique que complexe, les différences de vision peuvent avoir raison de la bonne entente au sein d’un petit groupe de gens. Surtout si ces gens sont encore dans la vingtaine, tout en étant déjà des multimillionnaires solidement campés sous les feux de la gloire.
Romero passera bien du temps à décrire, dans le menu détail, certains procédés de création et les méthodes informatiques qui les accompagnent; et si la chose est effectivement intéressante, on peut trouver quelque peu étrange que des pans entiers de sa vie sont non pas passés sous silence, mais presque.
À sa défense, l’auteur précisera avoir tu certains moments et noms par respect pour les personnes concernées. Soit. C’est son livre, après tout. Et que les passionnés se le tiennent pour dit: on a tout de même droit au lent carambolage que furent Ion Storm et Daikatana.
Doom Guy : Life In First Person est le récit de l’une des personnes ayant probablement le plus transformé le monde des jeux vidéo, mais aussi l’histoire d’une jeune équipe qui a tout changé, à plusieurs reprises, avant de s’essouffler. Un livre bien écrit, largement complet, qui intéressera les amateurs comme les mordus de l’industrie.