Avec un budget relativement dérisoire pour ce genre de productions de haut calibre, Gareth Edwards persiste et signe en mêlant un regard intimiste sur l’humanité et sa manière d’aborder la science-fiction. En résulte The Creator, une nouvelle proposition visuellement spectaculaire qui montre toutefois vite ses limites sur le plan scénaristique.
Pour le cinéaste Gareth Edwards, il n’a suffi que de son premier long-métrage Monsters, un film de survie à la sauce « invasion extra-terrestre » à petit budget centré sur ses deux protagonistes, plutôt que tout le reste, pour le propulser à Hollywood. Si sa tentative de faire renaître Godzilla du côté de l’Occident en a déçu plus d’un, sans pour autant tomber au niveau de la version de Roland Emmerich près de 15 ans plus tôt, en plus de lancer une franchise de propositions particulièrement inégales, c’est plutôt Rogue One : A Star Wars story qui a confirmé son talent.
À peine moins nihiliste que sa détonante incursion dans l’univers de George Lucas, de laquelle il retrouve d’ailleurs Chris Weitz au scénario, il tombe ici dans une succession de références à un genre cinématographique de plus en plus surchargé, comparaisons dont il ne réussira jamais vraiment à se défaire.
On apprécie toutefois sa volonté hautement ambitieuse de retourner pour son retour à l’écriture à quelque chose d’original après deux mégaproductions aux sources dantesques, et cette idée de parler d’intelligence artificielle tombe certainement à point.
Sauf qu’en plus de livrer quelque chose qui, à l’image de son titre, s’avère sans surprise étonnamment biblique et christique (le sort du monde entre les mains d’un enfant à protéger), on se demande également ce que le film a de nouveau à dire que Spielberg (toujours lui!) n’a pas déjà énoncé au travers de son sublime et avant-gardiste A.I. Artificial Intelligence, il y a déjà plus de deux décennies, lui-même largement inspiré de nul autre que Pinocchio.
Cela dit, en termes d’exécution, on est près d’un sans-faute. On met au défi quiconque d’oser avancer que ce film ne parvient pas à rivaliser ou surpasser des productions similaires avec le double et même le triple de son budget. Les effets spéciaux sont convaincants et d’avoir tourné dans une multitude de pays asiatiques (on note la Thaïlande, le Japon, le Viêt-Nam, le Népal et le Cambodge parmi tant d’autres) fait toute la différence surtout qu’on sait comment prendre avantage de ces magnifiques panoramas.
La présence du directeur photo émérite Greig Fraser servant également de co-producteur, à distance compte tenu de son implication sur la suite de Dune, se fait sentir et risque de donner beaucoup de visibilité à Oren Soffer, présent sur place pour assurer le tout. Les magnifiques plans larges et ce flair pour les sources lumineuses auraient d’ailleurs pu profiter davantage du format IMAX qui malheureusement n’a pas été un format dans lequel on a filmé le tout, ne présentant qu’une version adaptée du film, mais non bonifiée sur les écrans.
Pas de révolution
Ensuite, comme mentionné précédemment, on se désole qu’au-delà des possibilités prometteuses, le film n’a finalement pas grand-chose à dire et qu’aux détours de tendresses non négligeables, l’histoire n’arrive jamais vraiment à capter entièrement notre intérêt.
Certes, Weitz s’est certainement inspiré de son admirable About A Boy pour tisser l’histoire d’amitié dépareillée entre la jeune robot (interprétée avec douceur par la nouvelle venue Madeleine Yuna Voyles) et notre protagoniste Joshua (John David Washington un peu sur le pilote automatique), mais les choses se corsent dans cette fétichisation de l’intérêt amoureux perdu qui évoque le cinéma de Nolan, que ce soit Christopher ou son frère Jonathan. À ce titre on sous-utilise certainement Gemma Chan qui aurait pu se voir offrir un rôle féminin beaucoup plus intéressant et consistant que cette Maya qui fait figure d’esquisse et de fantôme plutôt que de quelque chose de véritablement concret.
Les choses ne sont pas mieux pour l’immense Allison Janney, qui peine à trouver un rôle à sa hauteur depuis son Oscar (sauf peut-être dans le trop peu vu mais brillant Bad Education), dans ce rôle en dents de scie du Colonel Howell qui se fait discrète, mais ne perd pas de temps pour montrer ses véritables allégeances, ou même le tout aussi imposant Ken Watanabe, repêché d’urgence pour remplacer Benedict Wong, dans un de ses rôles habituels de faire-valoir.
Ensuite, on peut mentionner au passage toute la dernière partie particulièrement superflue, ces divisions en chapitres plutôt inutiles, cette sous-histoire plus ou moins claire de la rébellion robotique et plusieurs autres détails qui s’incrustent dans ce long-métrage au rythme pourtant assuré, même si l’action n’est pas incessante.
C’est peut-être d’ailleurs parce qu’on donne au film le luxe de respirer qu’on se laisse quand même prendre au jeu, tout comme de comment on tente de nous amadouer au détour par Clair de Lune, de Debussy, qui prend vite le dessus sur la trame sonore assez générique de Hans Zimmer. Ce dernier a ironiquement accepté ce projet, mais refusé les deux plus récents de Nolan, collaboration qui s’était pourtant montrée constante pendant au moins 10 ans.
Il n’en demeure pas moins qu’avec si peu à dire, dépasser les deux heures s’avère trop long pour l’entreprise et que si l’on en a eu plein les yeux tout du long, on ne ressortira pas du visionnement avec grand-chose à en soutirer, malheureusement, sauf peut-être qu’il y a toujours moyen de faire mieux avec peu.
Une leçon dont Hollywood devrait judicieusement en tirer avantage, même si l’on se doute que ce sera le cas.
6/10
The Creator prend l’affiche en salle ce vendredi 29 septembre.