De nouvelles démarches devant les tribunaux, afin de faire respecter la stabilité climatique comme droit protégé, sont nécessaires afin de briser l’impasse actuelle entourant la lutte à la crise climatique, affirme un économiste de l’Université d’État de l’Oregon, dans le cadre d’une nouvelle étude.
Les travaux en question, publiés dans PLOS Climate, ont été rédigés par Bill Jaeger. Celui-ci, à l’aide de recherches théoriques et de modèles de politiques publiques en matière de lutte à la crise climatique, affirme pouvoir conclure que 30 années de traités internationaux visant à s’attaquer à cette question, y compris le récent accord de Paris, en 2015, sont irrémédiablement sapés.
« Cela s’explique surtout par les longs délais entre le moment où les coûts de réduction des émissions carbone sont défrayés, et le temps qui s’écoule avant que la majorité des profits ne soient réalisés », affirme-t-il. « Dit d’une autre façon, la majorité du public en âge de voter ne va pas soutenir des politiques climatiques dont les avantages ne surviendront largement qu’après leur mort. »
Malgré ces conclusions déprimantes, M. Jaeger affirme également qu’il existe une solution potentielle: le fait que les tribunaux reconnaissent que les droits climatiques sont protégés par les lois actuelles. Ces droits climatiques font référence au droit inaliénable à un climat stable et sécuritaire. Des tribunaux des Pays-Bas, et dans une moindre proportion, en Ukraine, aux Philippes et au Pakistan, ont déjà conclu que leurs lois protègent les droits climatiques, soutient le chercheur.
« Si davantage de tribunaux continuent de reconnaître que la stabilité climatique est un droit protéger, cela pourrait représenter un poids important. Cela donnerait une voix, si ce n’est un vote, aux futures générations », a poursuivi le professeur Jaeger.
Dans son étude, ce dernier s’intéresse aux précédentes tentatives de stabiliser le climat à trois échelles: locale, internationale et intergénérationnelle.
Son analyse a révélé que le coût d’adoption de politiques locales est généralement gérable. Les accords internationaux, a découvert le chercheur, doivent surmonter d’importants obstacles en raison du coût élevé des négociations, de la mise en place, de la gestion, de la surveillance et de l’implémentation des mesures, en plus des incitatifs destinés aux pays pour qu’ils ne fassent pas que respecter les normes, mais en tirent profit.
Le Pr Jaeger a toutefois constaté que le domaine intergénérationnel est le plus problématique, et quelque chose qui n’a pas été vraiment examiné lors de précédentes études. La chose est problématique, dit-il, en raison des décennies d’écart entre les réductions d’émissions de gaz à effet de serre et les avantages de ces diminutions. En d’autres termes, le chercheur jugent que les gens tendent à ne pas soutenir des démarches coûteuses pour s’attaquer à la crise climatique, aujourd’hui, puisqu’ils n’en retireront pas d’avantages au cours de leur vie.
« La plupart des gens n’accepteront pas d’actions qui empireront leur vie », a encore indiqué le Pr Jaeger. « Cela explique l’absence de progrès dans la lutte à la crise climatique, malgré 30 ans de tentatives. »
En plus des questions juridiques internationales évoquées par le chercheur, celui-ci évoque aussi la cause Juliana c. États-Unis, une poursuite intentée en 2015 au nom d’un groupe d’enfants de l’Oregon. Cette poursuite s’articulait autour des droits constitutionnels à la vie, la liberté et la propriété, ainsi que des principes de protection équitables compris dans le 14e amendement de la Constitution américaine.
Cette affaire est toujours en cours, bien qu’un tribunal de précédente instance a affirmé que cette poursuite devait plutôt être décidée par la sphère politique, ou par l’électorat à grande échelle.
Cela a mené le Pr Jaeger a conclure que le tribunal « ignore la nature unique du problème: les futures générations ne peuvent pas voter et ne peuvent démarcher le Congrès en leur nom. Les tribunaux ignorent cela à leur péril, ainsi qu’au nôtre. Cela représente une opportunité unique et potentiellement massive pour reconnaître le droit du public à un climat stable. Cette reconnaissance des droits climatiques viendrait renforcer l’appui pour des gestes climatiques allant au-delà de ce qui est reflété dans les intérêts personnels de la génération actuelle ».