Dans l’intimité des différents lieux d’un appartement de Montréal, cinq femmes interprètent le désir – Deseo en espagnol – pour un public restreint et privilégié. Quatre courtes, mais vraies pièces de théâtre sont ainsi présentées. Chacune a son unité, son histoire, ses protagonistes. Les quatre abordent la question du désir féminin; le désir, mais aussi sa frustration avec les possibilités de fantasmes et d’actions pour y remédier. L’ensemble forme une expérience théâtrale unique, dans la tradition du théâtre sud-américain.
Les spectateurs sont invités à entrer non pas dans une salle de théâtre classique, mais dans un appartement où on leur explique l’organisation particulière du spectacle auquel ils vont assister. Pas de fauteuils où s’installer passivement. Mais différents sièges, tabourets, coussins au sol… d’où – en petit comité – ils pourront apprécier la représentation d’une quinzaine de minutes à chaque fois et cela dans différents pièces, chambres, terrasse ou salon.
C’est dire que l’organisation du spectacle est parfaitement pensée, réglée et minutée avec le croisement des spectateurs qui se retrouvent collectivement à trois reprises dans le salon.
L’ordre dans lequel les spectateurs vont voir les différentes pièces est variable et n’a pas d’importance. Elles ne sont pas à relier entre elles sauf en ce qui concerne leur thème commun.
Ainsi, Ascendante, écrite par Camila Forteza et parfaitement interprétée par Stéphanie B. Dumont, présente une jeune femme qui se filme dans l’isolement volontaire ou contraint de sa chambre à coucher pour apparaitre sur les réseaux sociaux et dire sans retenue son mal-être de femme seule.
Les demoiselles qui rushent fort de Julie Vincent très bien interprété par Alexandrine Agostini et Josée Rivard montrent deux sœurs ou deux consœurs de théâtre et de vie, frustrées de ne pas être devenues à leur âge des stars de la scène et de la scénarisation, et qui en sont réduites à proposer des spectacles de striptease et à rêver de gloire. Elles forment un couple un peu pervers qui s’aime, travaille et évolue ensemble mais se trahissent mutuellement sans jamais parvenir à réaliser leurs désirs.
Je ne connais personne qui regarde du porno, de Jimena Marquez, interprété par Catalina Pop est un monologue brillant qui permet de réfléchir au rapport émotif que suscite la représentation théâtrale par rapport au réel.
Phèdre au-dessous des ruines enfin, de Marianella Morena et jouée par Jacqueline Van De Geer, tient du théâtre et de la performance. Divisée en trois séquences de 5 minutes, l’interprétation en est remarquable, tragique et comique par moment, en nous faisant ressentir à quel point le désamour de l’autre peut devenir obsessionnel et nous pousser aux fantasmes de haine, de violence et de désespoir les plus profonds.
Deseo, du 2 au 30 septembre 2023, dans une maison de la rue Fullum, à Montréal
Mise en scène: Ximena Ferrer
Production: Singulier Pluriel
Avec: Alexandrine Agostini, Stéphanie B. Dumont, Catalina Pop, Josée Rivard et Jacqueline Van De Geer
Textes: Jimena Marquez et Marianella Morena (Uruguay), Camila Forteza et Julie Vincent (Québec)
Traduction: Ximena Ferrer
Scénographie, éclairages, accessoires: Catherine Le Gall et Rodolphe St-Arneault
Costumes: Sahdia Cayemithe