Wes Anderson construit chacun de ses films comme des bricolages charmants, plus proches de la production indépendante que du blockbuster hollywoodien, et c’est encore le cas avec Asteroid City, un véritable OVNI cinématographique disponible depuis peu en 4K, Blu-ray et DVD.
Puisqu’il incorpore plusieurs niveaux narratifs s’imbriquant les uns dans les autres et qu’il s’amuse régulièrement à estomper la ligne entre chacun d’entre eux, il n’est pas évident de décrire le synopsis d’Asteroid City en quelques lignes. La première couche du scénario se décline sous la forme d’une émission de télévision levant le voile sur les différentes étapes de la création d’une pièce. La seconde nous entraîne dans les coulisses d’un théâtre préparant sa prochaine production, et la troisième, qui prend le plus d’importance dans le film, s’attarde à la pièce en tant que telle, dont voici le résumé :
Ne comptant que 87 habitants, Asteroid City, située dans le désert à la frontière entre la Californie, le Nevada et l’Arizona, est un endroit paisible, dont la tranquillité n’est perturbée à l’occasion que par les essais de bombes nucléaires effectués par l’armée et le passage régulier du train de marchandises. La petite ville ne possède pour seul attrait touristique que son cratère géant, causé par l’écrasement d’une météorite, mais elle est sur le point de connaître un regain d’activité avec l’arrivée d’astronomes amateurs, de jeunes inventeurs et de leurs parents, qui convergent vers la bourgade afin de participer à la convention Junior Stargazer.
Pendant que se déroule la cérémonie de remise de prix et d’une bourse d’étude, le point culminant de la convention, une soucoupe volante débarque sans crier gare. Un extraterrestre à la forme humanoïde en descend. Devant l’assistance médusée, la créature venue de l’espace s’empare de la météorite responsable du fameux cratère de la ville, et s’enfuit avec. Afin de préserver le secret et d’empêcher la panique de se répandre dans la population, le gouvernement ordonne alors à l’armée américaine de placer l’endroit en quarantaine, et d’interdire aux personnes témoins de l’événement de quitter les lieux.
Avec des œuvres inoubliables comme The Royal Tenenbaums, The Life Aquatic with Steve Zissou ou The Grand Budapest Hotel, Wes Anderson est l’un des cinéastes les plus originaux de notre époque. Asteroid City reprend tous les éléments caractéristiques du réalisateur, soit des visuels inspirés, une direction photo remarquable, un sens poussé du ludisme, une galerie de personnages colorés et une poésie onirique, mais pour la toute première fois de sa carrière, Anderson injecte une dose de science-fiction à son univers. Si ses longs-métrages ont l’habitude d’être mignons et touchants, il verse ici carrément dans l’étrange.
Recréant une version idéalisée de l’Amérique des années 1950 et de la famille nucléaire encore plus idyllique qu’un tableau de Norman Rockwell, le réalisateur aborde à travers son scénario des thèmes tels que le chaos incontrôlable de la vie, le deuil, ou notre petitesse face à l’infini du cosmos, en plus de traiter de la quête de sens, autant au niveau de l’existence que de l’acte de création. Même si certains pourraient penser que le long-métrage possède au final plus de style que de substance, il s’agit d’une œuvre métaphysique et complexe, dont les multiples niveaux narratifs nécessitent d’être visionnés plus d’une fois afin d’en saisir toutes les subtilités.
Wes Anderson s’amuse manifestement avec le médium dans Asteroid City. Les coulisses de la pièce de théâtre sont présentées en noir et blanc et dans un format 4:3, tandis que le reste du film contient des couleurs hyper saturées évoquant le Technicolor des années 1950. Il coupe parfois l’écran en deux pour montrer des actions parallèles. Des décors inventifs, une ambiance rétrofuturiste et une palette de couleurs composée d’un savant agencement de teintes pastel contribuent à la beauté plastique de l’œuvre, et peu importe où l’on pause le long-métrage, on obtient chaque fois une carte postale splendide, dont la composition est digne d’une toile de maître un peu kitsch.
Comptant la participation d’artistes de talent comme Bryan Cranston, Jason Schwartzman, Scarlett Johansson, Edward Norton, Tom Hanks, Jeffrey Wright, Steve Carell, Adrian Brody, Liev Schreiber, Margot Robbie, Willem Dafoe, Matt Dillon ou Tilda Swinton, il serait difficile de trouver une distribution plus stellaire que celle d’Asteroid City. Les acteurs performent d’une manière volontairement détachée et font preuve d’un humour pince-sans-rire, livrant les répliques les plus absurdes sur un ton toujours très flegmatique. Il est également intéressant de voir tous ces comédiens jouer à la fois les acteurs d’une pièce de théâtre, et les personnages qu’ils ont été embauchés pour interpréter.
La version haute-définition d’Asteroid City inclut le film sur disques Blu-ray et DVD. Du côté du matériel supplémentaire, on retrouve un Making Of divisé en quatre parties. Desert Town (Pop 87) parle du lieu de tournage, à une heure de la ville de Madrid, en Espagne, et de la fabrication des décors. Doomsday Carnival s’attarde sur la séquence où les badauds d’un peu partout à travers les États-Unis se ruent vers la petite ville dans l’espoir d’y voir un extraterrestre. Montana and the Ranch Hands est dédié au groupe de cowboys du film et à leur interprétation de la chanson « Dear Alien (Who Art in Heaven) ». Finalement, The Players se consacre à l’effet miroir entre les acteurs de la pièce de théâtre, et les rôles qu’ils jouent.
Asteroid City n’est peut-être pas le meilleur film de Wes Anderson, mais c’est assurément le plus bizarre. Il s’agit d’une œuvre unique et très personnelle, qui représente une bouffée de fraîcheur dans un monde où la majorité des productions cinématographiques reprennent les mêmes formules, et finissent trop souvent par se ressembler.
8/10
Asteroid City
Réalisation: Wes Anderson
Scénario: Wes Anderson et Roman Coppola
Avec: Jason Schwartzman, Scarlett Johansson, Tom Hanks, Jeffrey Wright, Bryan Cranston, Edward Norton, Liev Schreiber, Matt Dillon et Steve Carell
Durée: 105 minutes
Format : Combo Pack (Blu-ray et DVD)
Langue : Anglais, français et espagnol
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