Peut-être que les attentes de ce journaliste étaient démesurées; peut-être que lorsque l’on annonce une pièce de théâtre qui porte un regard critique sur le monde du journalisme et des nouvelles télévisées, une personne cumulant plus de 15 ans d’expérience dans le milieu est en droit de s’attendre à une véritable réflexion. Malheureusement, Salle de nouvelles n’a pas le lustre du Network dont il s’inspire.
Montée chez Duceppe, Salle de nouvelles est effectivement une adaptation en roue libre du film réalisé par Sydney Lumet et sorti 1976, remportant quatre Oscars dans la foulée. On y retrouve Denis Bernard dans le rôle d’Howard Beale, un présentateur de nouvelles classique en perte de vitesse qui décide, après s’être fait montrer la porte, qu’il allait quitter son travail avec un bang – littéralement –, en se suicidant en direct.
Est-ce un coup de génie ou le signe d’une grave dépression? On l’ignore, mais les patrons sautent sur l’occasion, ce coup de gueule télévisuel ayant fait gonfler les cotes d’écoute. Et plus Beale sera laissé à lui-même, plus il donnera l’impression de perdre la tête, et plus les propriétaires du réseau de télévision seront heureux… jusqu’à ce qu’il commence à nuire aux intérêts corporatifs.
Il y a un demi-siècle, bientôt, cette critique vitriolique de l’empiétement de l’opinion et des impératifs commerciaux sur la mission « noble » et « neutre » du journalisme avait toute sa place; aujourd’hui, cependant, on se demande quelle mouche a piqué Duceppe pour que l’on accepte un texte qui évacue complètement tout le développement de l’opinion survenu depuis 1976, justement, y compris avec internet, les réseaux sociaux et les podcasts, par exemple.
Oui, on changera d’époque peu à peu, en se rapprochant de notre époque, mais à l’exception d’une référence à Twitter ici, une pique impliquant Amazon là, rien ne semble avoir changé. Et pourtant, les leaders d’opinion ne sont plus aux « nouvelles » de 18h, ils sont sur Twitter, ils ont leur chaîne Telegram, ils ont leur podcast ou leur infolettre sur Substack.
On n’espérait pas un colloque de journalistes, ou encore une conférence universitaire, mais on navigue entre l’incompréhension et l’étrange traitement comédique d’une situation pourtant tout à fait dramatique. Avec, en point d’orgue, une structure narrative qui tient mal la route.
Côté technique, il n’y rien à reprocher à Salle de nouvelles; en fait, la scénographie est excellente, avec une grande utilisation de caméras vidéo, justement. Mais du côté des dialogues, on se demande pourquoi on nous propose cette incompréhensible fusion de thèmes et d’époques incomplets et incompatibles.
Salle de nouvelles, une pièce de Lee Hall basée sur le scénario de Paddy Chayefsky; mise en scène de Marie-Josée Bastien; avec Mustapha Aramis, Sylvio Arriola, Charles-Étienne Beaulne, Emmanuel Bédard, Denis Bernard, Florence Blain Mbaye, Luc Bourgeois, Gabrielle Côté, Hugues Frenette, Eliot Laprise, Marie Michaud et Marie-Eve Pelletier.
Chez Duceppe jusqu’au 7 octobre.