Premier long-métrage de Pier-Philippe Chevigny, Richelieu est probablement, avec quelques détours émotionnels pour renforcer l’attrait de la chose, ce qui s’approche le plus du documentaire sur les travailleurs migrants temporaires trimant dur, au Québec, sans verser complètement dans le factuel.
Sur le site d’une usine de transformation du maïs, on embauche des gens originaires du Mexique et de l’Amérique centrale pour économiser sur les frais de main-d’oeuvre. Et non seulement offre-t-on, à ces gens, un salaire de misère, mais on leur confie aussi des tâches ingrates qui s’avèrent être dangereuses pour leur bien-être physique.
À travers tout cela, les spectateurs font la rencontre d’Ariane, la nouvelle traductrice qui a accepté ce travail en raison d’importantes dettes à payer, en lien avec les magouilles effectuées par son ancien conjoint, aujourd’hui poursuivi pour fraude. Et bien rapidement, la jeune femme, interprétée par Ariane Castellanos, devra choisir entre gagner sa vie ou s’insurger devant les conditions de travail imposées à ces gens venus d’ailleurs, qui ne sont parfois même pas en mesure de lire et comprendre le contrat qu’on leur fait signer.
À travers Richelieu, Chevigny tente d’ailleurs de tracer un portrait en nuances de gris: bien sûr, ces travailleurs viennent ici parce qu’ils espèrent gagner un meilleur salaire que ce qu’ils pourraient espérer amasser dans leur pays d’origine, mais dans ce cas-ci, le patron de l’usine, joué par un Marc-André Grondin en apparence épuisé par le stress et la pression, doit jongler entre son envie d’offrir un minimum d’aide à ses employés, et les réclamations incessantes des grands patrons, quelque part en France, qui exigent toujours plus de rentabilité.
Ces grands patrons, d’ailleurs, qu’on ne verra jamais, et dont l’existence n’est confirmée que lors d’un appel téléphonique plus que tendu, où ils exigeront l’impossible. Un impossible qui aura des conséquences particulièrement dangereuses.
Dans la foulée des trop nombreux reportages faisant état, bien souvent, de conditions de travail exécrables, le tout avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête de ces travailleurs temporaires, sous la forme d’une possible expulsion immédiate, Richelieu force une réflexion sur la façon dont nos aliments sont produits, et sur les sacrifices que nous, comme consommateurs, sommes prêts à infliger aux autres pour obtenir des biens de consommation à bas prix.
Bien entendu, Richelieu est un film de fiction. Très, très près du documentaire, mais un film de fiction malgré tout; c’est peut-être là son seul défaut. Pour ceux qui aimeraient naviguer davantage dans le concret, il y a l’excellent documentaire Essentiels, qui parle de la question des travailleurs étrangers temporaires, notamment dans le contexte de la COVID. Mais autrement, ce premier long-métrage de Pier-Philippe Chevigny est tout à fait solide.