Le nombre croissant de feu de broussailles extrêmes recensés à travers le monde, à l’instar de ceux qui brûlent présentement au Canada, et ceux précédemment survenus en Australie, durant ce qui est surnommé « l’été noir », en 2019-2020, pourraient exacerber les changements climatiques et dérégler davantage les systèmes planétaires, ce qui aurait des impacts dévastateurs à travers le monde.
Dans un article publié dans Science, des chercheurs de l’Université de la Nouvelle-Galles du Sud, à Canberra (UNSW Canberra), et de l’Université de Tasmanie ont souligné les impacts mondiaux de ces feux de l’été noir et détaillé les leçons tirées de cette catastrophe, tout en mettant de l’avant l’urgente nécessité, pour la communauté internationale, de mieux répondre aux feux extrêmes.
Comme le rappellent les scientifiques, la planète traverse une période de feux de plus en plus grands et destructeurs; la zone détruite par les flammes de l’été noir était 800 fois plus vaste que la taille moyenne de la zone affectée par des feux en Australie, entre 1988 et 2001, et ce sinistre a entraîné le relâchement de l’équivalent de 80 % des émissions annuelles de GES du pays.
Selon Jason Sharples, de l’UNSW Canberra, ces « tempêtes de feu », qui étaient largement répandues pendant la saison des incendies de 2019-2020, ont le potentiel de détraquer grandement les systèmes planétaires, comme le climat.
« Pendant l’été noir, nous avons recensé 44 tempêtes de feu, aussi appelées pyrocumulonimbus, où des incendies extrêmes modifient l’atmosphère environnante », a-t-il expliqué.
« Cela a dépassé tous les précédents records pour une saison des feux en Australie. »
Toujours au dire du Pr Sharples, « si ces énormes incendies ont eu des impacts dévastateurs immédiats – des gens ont été tués, des maisons ont été détruites et un nombre incalculable d’animaux et d’habitats naturels ont été détruits, ils ont aussi eu un effet important sur des systèmes qui influencent le climat mondial ».
« La quantité sans précédent de fumée et de GES dégagés par les feux ont entraîné une pollution stratosphérique si intense que cela a endommagé la couche d’ozone, entraîné une baisse des températures de l’océan et provoqué des éclosions d’algues, dans l’océan Antarctique, qui étaient plus vastes que l’ensemble du territoire australien », a-t-il ajouté.
« Ces impacts ont peut-être moins évidents que la destruction immédiate, mais ils représentent un risque majeur à la santé des écosystèmes de partout sur la planète. »
« Il est essentiel que la communauté internationale agisse pour limiter les effets des changements climatiques et améliore les techniques de gestion des feux pour éviter, autant que possible, l’apparition de ces incendies extrêmes », a encore lancé le Pr Sharples.
« Si tel n’est pas le cas, nous serons coincés dans un cycle vicieux de changements climatiques menant à des feux encore plus vastes, et ces feux plus grands viendront à leur tour amplifier les effets des changements climatiques. »
Repenser les façons de faire
De son côté, le professeur David Bowman, de l’Université de Tasmanie, croit que l’Australie, comme d’autres pays à risque de subir des feux de forêt, doit revoir ses méthodes de lutte contre les incendies et adopter une série d’approches diverses pour répondre à la nouvelle norme.
« Pendant longtemps, nous nous sommes surtout appuyés sur des incendies contrôlés pour réduire la quantité de matériau, dans les broussailles, qui peut prendre feu, mais cela est moins efficace quand il fait plus chaud et sec, comme ce que nous vivrons de plus en plus en raison des changements climatiques », a-t-il dit.
« En ajoutant à cela le fait que nous disposons d’une fenêtre toujours plus petite pour ces périodes d’incendies contrôlés, et il est clair que nous devons revoir notre façon de faire. »
« À la suite de l’été noir, les discussions en matière de politiques publiques ont largement porté sur l’augmentation des capacités et des ressources des pompiers, mais avec les feux extrêmes auxquels nous nous attendons, à l’avenir, aucun service de lutte contre les incendies ne sera en mesure de réagir convenablement. Cela veut dire que nous devons être meilleurs en termes de gestion et de prévention », a poursuivi le Pr Bowman.
« En plus des incendies contrôlés, nous devons adopter les pratiques culturelles employées pendant des siècles par les Autochtones australiens et déterminer à quel point elles peuvent être mises en place à grande échelle, à travers le pays. »
Le chercheur propose aussi d’évaluer la capacité des marsupiaux et d’autres herbivores non originaires d’Australie pour réduire la végétation à travers diverses régions de l’Australie. « Réduire l’ampleur des broussailles aux alentours des zones urbaines et instaurer des « coupe-feu » verts sous la forme d’une végétation irriguée et résistante aux flammes peut aussi aider à prévenir la dissémination des flammes », a-t-il ajouté.
« Les incendies auxquels nous devrons faire face, à l’avenir, seront plus gros et plus dangereux que ceux vécus par le passé, alors nous ne pouvons pas continuer à agir de la même façon pour les combattre. »