Décidément, les films projetés à Fantasia se suivent et ne se ressemblent pas: après un documentaire sur le Star Wars Holiday Special, voilà que nous atterrissons pratiquement à l’opposé du spectre cinématographique avec Les Chambres rouges, un thriller psychologique qui raconte le meurtre quasiment ritualisé de jeunes adolescentes dont le dépeçage nourrit une industrie assoiffée de violence et de torture.
Réalisé et scénarisé par Pascal Plante, le film a d’ailleurs remporté les honneurs du meilleur long-métrage, du meilleur scénario, de la meilleure interprétation féminine et de la meilleure bande originale, dans le cadre du festival qui se termine dans quelques jours dans la métropole.
On y suit le procès de Ludovic Chevalier, accusé d’avoir non seulement kidnappé trois jeunes femmes, toutes élèves au secondaire, mais aussi de les avoir torturées et découpées pour un public qui, traînant dans les recoins les plus glauques du web, se délecte de ce genre de snuff movies. Ou est-ce littéralement de la torture porn? Quoi qu’il en soit, on qualifie ces pièces, où les meurtres sont commis et les vidéos tournées, de red rooms. D’où le titre, forcément.
Heureusement, M. Plante nous épargne le pire de l’horreur, préférant plutôt nous montrer les réactions de personnages face à ces séquences que l’on imagine insupportables. Et réactions, il y a: surtout celles de Kelly-Anne et de Clémentine, respectivement jouées par Juliette Gariépy et Laurie Babin. La première est une mannequin vivant seule dans une tour à condo anonyme de Montréal, gagnant aussi sa vie au poker, et qui semble obsédée par l’affaire, n’hésitant pas à dormir à la belle étoile, près du palais de justice de la métropole, histoire d’avoir de bonnes places pour suivre le déroulement du procès.
La deuxième, jeune et naïve, s’est entichée du tueur présumé, et martèle sur toutes les tribunes que l’accusé est innocent, et que tout cela n’est qu’un coup monté. Mais plus le film avancera, plus les convictions de la jeune femme seront ébranlées, pendant qu’on lèvera partiellement le voile sur l’existence de Kelly-Anne, dont les motivations deviennent de plus en plus étranges… et sordides.
Film tout en nuances, mais tout de même avec des moments à glacer le sang, surtout quand l’on imagine celui-ci s’écouler à grands flots des corps des victimes, sous les coups de couteau et de scie électrique de leur assassin, Les Chambres rouges représente particulièrement bien une ambiance malsaine. À un point tel, en fait, que l’on se surprendra à s’agripper aux accoudoirs de notre siège.
Là où l’oeuvre peut peut-être pécher, c’est peut-être par son manque de précisions à propos des motivations des personnages principaux. Si la groupie de l’accusé tombe pratiquement dans le ridicule – d’autant plus que le tueur présumé n’a absolument rien de charismatique –, la plus étrange des deux, elles, est encore plus mystérieuse.
Oui, tout cela peut découler d’un procédé cinématographique; on laissera ici au cinéphile le choix de décider, entre l’effet de style et un certain oubli scénaristique frôlant la paresse. Ou la trop grande rapidité?
Quoi qu’il en soit, Pascal Plante peut se féliciter d’avoir produit un film très solide, qui détonne largement de l’offre québécoise en matière de septième art. Après tout, les films d’horreur et les thrillers psychologiques sont généralement combinés à la vidéo sur demande, à l’offre en ligne, ou encore au circuit des festivals. Souhaitons que Les Chambres rouges profitent de leur notoriété nouvellement acquise.