Rejoindre et échanger avec le public dans le monde hyper-concurrentiel des médias sociaux est un important défi pour toute nouvelle entreprise. Une stratégie, adoptée par des « entrepreneurs vedettes », comme Elon Musk, consiste à publier des commentaires provocateurs sur Twitter. Mais cette méthode fonctionne-t-elle pour les jeunes compagnies? Ça dépend, révèle une étude de la Macquarie University Business School.
Les chercheurs ont ainsi analysé 369 142 tweets publiés par 268 jeunes entreprises américaines à saveur technologique, à partir de données présentes sur le site web Crunchbase. Les scientifiques se sont concentrés sur les comportements des fondateurs de ces entreprises avant et après avoir reçu du capital de risque.
« Nous avons constaté que si les jeunes entreprises n’ayant pas encore reçu de financement publiaient des tweets provocateurs, alors elles voyaient leurs interactions en ligne diminuer », a ainsi indiqué le professeur associé Erik Lundmark. « À l’inverse, une fois le financement reçu, les tweets obtenaient plus d’engagements quand ils étaient de nature provocatrice. »
En raison de la nature particulièrement concurrentielle du financement de capital de risque, « l’événement officialisant la consécration », soit le fait de recevoir ce financement, représente un endossement de la qualité d’une compagnie et accroît son statut, mentionne le Pr Lundmark.
« Notre hypothèse était qu’il était largement estimé que la provocation alimente l’engagement en ligne, particulièrement sur les médias sociaux », a encore indiqué le chercheur. « Il existe aussi déjà des travaux indiquant que la provocation entraîne bel et bien une hausse de l’engagement, mais on parlait là d’organisations bien établies; de personnalités importantes, comme des politiciens; ou encore des marques connues. »
L’effet est-il toutefois le même si de nouvelles compagnies imitent ces personnages et entreprises bien placés? La provocation marchera-t-elle, là aussi?
Elon Musk, le fondateur de Tesla et de SpaceX, s’est forgé une réputation pour fréquemment s’en prendre à d’autres personnes sur les médias sociaux. Il s’en remet même aux insultes, employant des termes tels que « pédophile » ou « idiot ». Ce langage provocateur suscite davantage d’attention, ce qui alimente les interactions avec le public, en plus de susciter des retweets et des réponses sur Twitter. M. Musk compte ainsi 149 millions d’abonnés sur ce réseau, après l’avoir acheté pour 44 milliards de dollars américains, en 2022.
Les chercheurs définissent le langage provocateur comme venant « briser les règles », soit lorsque des publications utilisent des expressions s’articulant autour des concepts d’agression ou de violence, de violation des lois, utilisant des injures ou qui adoptent un ton plus axé sur la confrontation. L’utilisation de ce langage est risquée, parce que cela peut générer des réactions de la part du public, certes, mais aussi susciter des réactions négatives.
Lorsque les jeunes compagnies reçoivent du financement, elles sont alors jugées comme plus importantes, et lorsqu’elles publient des commentaires provocateurs, cela a eu tendance à accroître l’engagement du public, tel que mesuré par des « j’aime » et des retweets.
Selon les chercheurs de la nouvelle étude, de précédents travaux ont déjà démontré qu’il était avantageux, pour les nouvelles compagnies, d’interagir avec leur public pour obtenir plus d’appuis pour leurs services, leurs produits et pour obtenir plus d’investissements, mais peu de recherches ont été effectuées, jusqu’à présent, sur ce que cela a à voir avec les médias sociaux.
Mise en garde
Les auteurs des travaux se sont concentrés sur le langage provocateur « parce que cela représente un phénomène particulièrement actuel, différent et largement discuté au sein des médias sociaux », écrit-on.
Et les responsables de l’étude lancent une mise en garde à ceux qui voudraient être les « méchants » sur Twitter, soit ceux qui sont délibérément provocateurs.
« Les crises récurrentes sur Twitter visant à générer de l’engagement, même si cela semble utile sur le coup, pourraient avoir des effets négatifs à long terme. Nous ne nous sommes penchés que sur les nouvelles compagnies et sur Twitter, alors il faudrait faire preuve de prudence en appliquant nos conclusions dans d’autres contextes », mentionne le Pr Lundmark.
Ce dernier estime qu’il faut d’ailleurs se poser une autre question: les commentaires négatifs sont-ils plus avantageux que les positifs? Une attention négative est-elle plus utile que pas d’attention du tout?