Plusieurs fabricants de crème solaire ajoutent sur leurs étiquettes que leurs produits sont « sans risque pour les coraux ». L’OSS et le Détecteur de rumeurs constatent toutefois que cette affirmation laisse à désirer.
Qu’est-ce qu’un récif de corail?
Bien qu’il n’en ait pas l’air à première vue, le corail est un animal, et très petit de surcroît. Ces minuscules créatures vivent en colonies et sécrètent un exosquelette composé de carbonate de calcium (c’est-à-dire du calcaire). Lorsqu’on regarde des coraux, ce sont leurs squelettes que nous voyons, ce qui donne cette fausse impression que le corail est un type de pierre.
Le corail a une relation symbiotique avec les algues qui résident en son sein. Les algues utilisent le dioxyde de carbone libéré par le corail lors de sa respiration afin d’effectuer de la photosynthèse. Celle-ci vient ensuite approvisionner le corail en oxygène et nutriments utiles à son développement. Comme toute forme de vie, le corail meurt éventuellement, laissant derrière lui un dépôt de calcaire qui constitue le récif corallien.
Lorsqu’un corail vit une période de stress due par exemple à des changements de température, un manque de nutriment ou une exposition à des toxines, il évacue son algue symbiotique, ce qui rend le corail blanc. Ce phénomène s’appelle blanchissement des coraux. Sans algue, le corail est appelé à mourir.
Quel est le risque avec la crème solaire?
Plusieurs études préliminaires avaient impliqué l’octinoxate, l’oxybenzone, le 4-méthylbenzylidène camphre (4-MBC, ou enzacamène), et d’autres filtres à UV présents dans les écrans solaires, comme étant responsables du blanchissement des coraux. Ces études ont résulté en l’interdiction de plusieurs marques d’écrans solaires, et dans l’apparition de la mention « sans risque pour les coraux » sur plusieurs étiquettes.
Toutefois, une revue de la littérature parue en 2021 a conclu que la responsabilité de ces produits dans les dommages subis par les coraux manquait de données solides. Les auteurs suggèrent que les études qui ont rapporté les effets néfastes de la crème solaire ont en fait testé des concentrations de produits chimiques qui excèdent considérablement les concentrations que l’on retrouve près des récifs. De plus, de grandes variations dans les conditions expérimentales (concentrations utilisées, temps d’exposition, durée des tests, paramètres biologiques mesurés) ont été observées, ce qui compromet l’interprétation des résultats.
Présentement, les Académies nationales de science des États-Unis mènent une évaluation plus rigoureuse de la toxicité potentielle des écrans solaires vis-à-vis des écosystèmes aquatiques, tout en évaluant leurs implications au niveau de la santé publique.
Il n’y a pas d’indicateur fiable pour l’instant qui démontre que les ingrédients qui entrent dans la composition des crèmes solaires menacent la santé des coraux, en-dehors des conditions expérimentales en laboratoire. Comme l’écrivait en 2019 Terry Hughes, biologiste marin et expert du blanchissement des coraux, « la crème solaire ne cause pas le blanchissement des coraux, sauf dans les éprouvettes ».
Les étiquettes « sans risque pour les coraux » se retrouvent sur les crèmes solaires qui, principalement, ne contiennent pas d’octinoxate, d’oxybenzone ou de 4-MBC, les ingrédients qui avaient été ciblés par les études préliminaires mentionnées plus haut. Toutefois, cette appellation n’est ni définie, ni réglementée, ce qui laisse les compagnies libre de l’utiliser comme elles le veulent.
Rien de tout cela n’exclut de prendre des précautions pour réduire la quantité de crème solaire lorsqu’on est à la plage: rester plus souvent à l’ombre, porter des vêtements protecteurs contre les UV et éviter les moments où le Soleil frappe le plus fort (entre 11h et 15h).
Verdict
Beaucoup de facteurs sont impliqués dans la dégradation des récifs de coraux, à commencer par le réchauffement climatique, mais les crèmes solaires ne sont pas en haut de la liste.