En entrevue, Serge Denoncourt a répété à maintes reprises qu’il rembourserait tous ceux qui n’auraient pas de plaisir en voyant son spectacle Hair. Il assure même, sans complexes aucuns, que le sien est meilleur que celui qu’il a vu sur Broadway il y a quelques années. Responsable à la fois de la mise en scène, de l’adaptation/traduction et de la direction artistique (triple tâche colossale), Denoncourt remporte haut la main son pari. Sa mouture de la mythique comédie musicale, dont il rêvait depuis longtemps de monter une version québécoise, est fougueuse, festive, divertissante et touchante. Son Hair décoiffe et laisse entrer beaucoup de soleil dans nos vies, particulièrement en ce début d’été gris et étouffant. Ça fait du bien!
Le polaroïd que nous offre Denoncourt de l’époque hippie et révolutionnaire (on est en 1968) est habilement souligné grâce à un gigantesque décor formé d’échafaudages mobiles, de nombreuses projections historiques et de costumes archicolorés.
Et la couleur, elle déborde de partout.
S’agissant de débordement, et c’est sans doute le revers de la médaille, on comprend la démesure et la grande liberté qu’on a voulu mettre de l’avant (époque oblige), mais ce « trop » devient lassant à la longue. Imaginez 25 aras de scène – sans conteste hyper talentueux – qui s’activent et s’égosillent pendant plus de deux heures. On chante, on danse, on rit, on crie et oui, oui, on cabotine en masse.
Au final, les textes sont noyés tant il y a de voix. Et on attend vivement ces (trop rares) numéros en solo ou en duo qui touchent davantage que les orgies vocales et dansantes déployées en 35 chansons sur deux actes. Trop!
Agaçants, aussi, ces passages parlés qui provoquent des ralentissements – et certains malaises – et qui nuisent au rythme de la soirée. Mais à ceux qui aiment ce genre de trip musical et gestuel, ils seront servis.
La joyeuse troupe de 25 interprètes est soutenue par sept solides musiciens (ajout notable, sous la direction de Lorenzo Somma) et portée par les chorégraphies enlevantes et hyper rodées de Wynn Holmes et Nico Archambault. Chapeau aussi aux astucieux éclairages de Julie Basse qui accentuent avec brio les thèmes marquants de ces années bouillonnantes et multicolores (bleu planant, rouge sang de guerre, vert planète, violet psychédélique, rose LSD, blanc paix, noir racisme ou jaune sunshine). Visuellement, c’est beau et remarquablement réussi!
Pour reprendre Denoncourt : « Je vais avoir le show que je veux, on ne fait pas de compromis parce qu’on est au Québec, on a tout ce qu’il faut. » Il parle bien sûr ici de talent et il a parfaitement raison.
Qu’il s’agisse de Philippe Touzel (en honnête Bukowsi), de Kevin Houle (en George Berger, plus cabotin), d’Éléonore Lagacé (en magnétique Sheila Franklin, dont on savoure chaque prestation) ou de Sarah-Maude Desgagné (qui donne la chair de poule, en puissante Dionne), chaque nom – connu ou non – de sa cohorte en a à revendre. Il a de quoi être content, le maestro.
S’il nous plonge davantage dans une atmosphère, un état d’esprit, que dans une histoire bien construite, le spectacle musical fougueux et assumé Hair demeure une réussite qui rappellera, sans conteste, de nostalgiques souvenirs à la génération fleurie des baby-boomers (majoritaires dans l’assistance) et en laissera de non moins agréables à tous les autres.
La comédie musicale Hair est présentée au Théâtre St-Denis jusqu’au 30 juillet.