Il est trop tôt pour affirmer s’il y a bel et bien une éclosion de choléra qui est commencée en Ukraine, conséquence directe de la destruction du barrage Kakhovka. Si ça devait se confirmer, ce serait un rappel des raisons pour lesquelles l’eau fut, pendant des milliers d’années, le vecteur du choléra et d’autres maladies contagieuses.
Jusqu’à ce qu’on mette en place des technologies d’épuration des eaux en effet, les excréments humains et animaux ont été un moyen de transmission des maladies. Quantité d’épidémies ont été causées par des bactéries présentes dans nos selles et voyageant dans l’eau courante. Dans plusieurs pays, ça demeure un problème: en Haïti en 2010, une épidémie de choléra, amenée par des soldats népalais d’un contingent des Nations unies, a été considérablement aggravée parce que seulement 19% de la population haïtienne avait accès à des toilettes ou des latrines.
Dans un autre de ces rappels historiques cruels, même la région de la Crimée, dans l’actuelle Ukraine, a connu cela pendant un autre conflit armé: l’armée britannique a perdu 16 000 à 21 000 soldats dans la guerre de Crimée, entre 1854 et 1856, en raison de maladies transmises par l’eau.
C’était quelques décennies seulement avant qu’on ne découvre finalement l’existence d’êtres vivants invisibles à l’oeil nu, et qu’on comprenne que les maladies transmises par une eau contaminée venaient d’eux. La mise en place de mesures d’hygiène, de réseaux d’égouts efficaces, la création d’usines d’épuration des eaux, viennent en partie de cette prise de conscience.
On pensait que, dans les pays riches, la peur du choléra était reléguée au passé, mais dans les jours qui ont suivi la rupture du barrage de Kakhovka le 6 juin dernier, des experts en santé publique ont tiré la sonnette d’alarme: la présence d’eaux stagnantes sur des centaines de kilomètres carrés, d’animaux et de milliers de personnes chassées de leurs résidences, était la recette parfaite pour des maladies infectieuses comme le choléra et la typhoïde. C’est l’avertissement que lançait le 13 juin le directeur pour l’Ukraine de l’Organisation mondiale de la santé, Jarno Habicht.
Or, selon un communiqué des autorités ukrainiennes publié également le 13 juin, la bactérie responsable du choléra (Vibrio cholerae) de même que l’E. coli, ont été détectées dans des réserves d’eau du sud de l’Ukraine.
Et de l’autre côté du fleuve, sur le territoire qu’occupe l’armée russe, un grand nombre de soldats russes auraient été admis dans des hôpitaux de la région, souffrant de choléra, selon des informations publiées le 17 juin sur le réseau social Telegram par un groupe partisan pro-ukrainien, basé en Crimée, Ces informations n’ont pas été confirmées de source indépendante.
Il est trop tôt pour conclure si cela va se traduire par une épidémie: tout dépend de la vitesse de réaction des autorités locales, autant du côté du fleuve contrôlé par l’Ukraine que de celui contrôlé par l’armée russe. Des difficultés d’approvisionnement en eau embouteillée et en médicaments pourraient compliquer la situation.