En accolant un prix au carbone, le gouvernement du Canada souhaite réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais ce geste s’accompagne d’un risque accru pour les institutions financières et les emprunteurs aux émissions polluantes importantes.
Dans le cadre d’une première étude du genre, des chercheurs de l’Université de Waterloo ont analysé les effets de la taxe carbone fédérale sur l’économie.
Les résultats indiquent qu’à mesure que le prix du carbone augmente, les industries hautement polluantes, comme les mines et le secteur de l’énergie, sont davantage exposées à des risques de faillite, pour un total de 256 milliards de dollars en biens menacés, alors que près du quart du PIB canadien est exposé aux risques climatiques.
Au dire des chercheurs, l’étude expose les incertitudes importantes auxquelles est soumise l’économie canadienne, tout comme l’importance, pour les institutions qui prêtent de l’argent et les institutions réglementaires, d’évaluer des scénarios en matière d’émissions polluantes et de prix du carbone dans le cadre d’une procédure d’évaluation des risques pour le crédit.
« Les banques canadiennes sont grandement impliquées dans les prêts à des clients qui sont de grands émetteurs de GES et ont gonflé de plusieurs milliards les prêts offerts à ces entreprises, malgré des engagements publics à soutenir l’atteinte d’objectifs climatiques », a indiqué Adeboye Oyegunle.
« Si nous ne sommes pas proactifs, ces investissements pourraient faire bondir les coûts, les taux de faillite et le nombre d’actifs toxiques, lorsque vous placez le tout dans le contexte d’un marché changeant et de nouvelles réglementations gouvernementales. »
En se basant sur des données de la Bourse de Toronto, entre 2010 et 2020, les auteurs des travaux ont utilisé le système de prix du carbone du gouvernement fédéral, de 0 $ à 170 $ la tonne, pour analyser des variables et prédire les faillites à venir d’ici 2030.
Si les résultats démontrent que les emprunteurs aux fortes émissions de GES et les banques sont les plus à risque, leur disparition pourrait grandement affecter le reste de l’économie et mettre à mal l’abordabilité au pays, puisque les compagnies tendent à transférer l’augmentation des coûts aux consommateurs, ce qui ferait croître les prix et saperait encore plus les finances des Canadiens.
Pour les chercheurs, il est important que les institutions offrant des prêts doivent tenir compte du prix du carbone dans leur évaluation des risques lorsque vient le temps d’analyser une demande de crédit. Cette pratique, jugent les spécialistes, leur permettra d’évaluer avec précision les risques liés à la taxe carbone et établir ainsi un taux d’intérêt approprié.
De plus, juge-t-on, les banques centrales et d’autres chiens de garde du secteur financier devraient commencer à mettre en place des indicateurs permettant de mesurer l’exposition du secteur financier aux risques liés au climat.
« Mettre en place un prix sur le carbone est une première étape, mais pas la dernière, si nous souhaitons effectuer une transition sans heurt vers une économie faible en carbone, avec des impacts minimaux pour le secteur du crédit », indique Olaf Weber. « Nous devons analyser les conséquences financières, développer des outils d’évaluation des risques et des indicateurs, et accélérer la transition vers une économie faible en carbone. »