Les appuis crédibles de Didier Raoult sont encore plus maigres que ses défenseurs ne l’imaginent. Une pétition d’appui lancée à la suite de sérieuses critiques entourant une étude douteuse, récolte comme signataires les suspects habituels de la sphère des théories du complot… en plus d’un nombre étonnamment élevé d’homéopathes.
Tout part d’une étude pré-publiée, c’est-à-dire qui n’a pas encore été révisée par les pairs, où il était fait état de 30 000 patients français qui, en 2020 et 2021, ont reçu de l’hydroxychloroquine et d’autres médicaments contre la COVID, alors que de plus en plus d’études à travers le monde démontraient l’inefficacité de ce médicament.
Cette étude était co-signée par Didier Raoult et ses collègues de l’Institut hospitalo-universitaire de Marseille (IHU). Le 28 mai, les représentants de 16 associations de médecins, de patients et de pharmacologues signaient dans le journal Le Monde une lettre dénonçant cette étude faite au mépris des règles éthiques. « La prescription systématique aux patients atteints du Covid-19, quels que soient leur âge et leurs symptômes, s’est d’abord effectuée sans bases pharmacologiques solides, et en l’absence de toute preuve d’efficacité. » Le 2 juin, l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, de qui dépend l’IHU, demandait aux co-auteurs le retrait de cet article. Le 3 juin, l’Agence nationale de sécurité du médicament annonçait qu’elle demanderait une enquête judiciaire.
Il faut savoir que l’étude souffre de nombreux biais méthodologiques, signalés depuis sa mise en ligne en avril. Découvrir des erreurs à une étude pré-publiée n’est toutefois pas inhabituel: c’est à ça que sert le principe de la pré-publication. Ici, les dénonciations viennent plutôt du fait que l’IHU a pu poursuivre pendant près de deux ans une étude sur un médicament dont l’inefficacité avait été démontrée, sans en aviser les autorités —ni, on le craint, les patients eux-mêmes.
Le 2 juin, une pétition d’appui à Didier Raoult apparaissait en ligne, signée par des médecins et chercheurs. Parmi les signataires, on note les Louis Fouché, Christian Perronne et autres Laurent Muchielli, des universitaires français connus pour leurs fausses informations sur le virus, les mesures sanitaires ou les vaccins, tout au long de la pandémie, ainsi que les principaux protagonistes de RéinfoCovid, un groupe français qui a lui aussi propagé quantité d’informations fausses ou trompeuses pendant la pandémie (en mars 2020, plusieurs des figures connues de RéinfoCovid se « convertissaient » en défenseurs de la Russie face à l’Ukraine).
En-dehors de la France, on note par exemple Peter McCullough, connu lui aussi pour ses affirmations douteuses maintes fois déboulonnées, Pierre Kory, chef de file des défenseurs de l’ivermectine, et Simone Gold, fondatrice de l’organisme américaine America’s Frontline Doctors (AFLDS), qui a défendu des traitements discrédités pendant la pandémie et s’est opposé aux vaccins. Gold a aussi fait deux mois de prison pour avoir participé aux émeutes du 6 janvier 2021 et est accusée par AFLDS de détournement de fonds.
Parmi les autres signataires, on note aussi, en date du 5 juin, au moins 7 homéopathes, une naturopathe qui est aussi ingénieure, une vingtaine de psychiatres et quelques vétérinaires.
La pétition a été lancée par l’association « Bon sens », créée par le directeur du blogue complotiste FranceSoir. C’est cette association qui a poursuivi en justice Bill Gates, pour diffamation. En novembre 2022, elle a perdu: Bill Gates ne l’avait jamais citée.