Il y a théâtre, et il y a théâtre – celui de la diversité, celui du questionnement, et peut-être bien celui du chaos. Dans le cadre de l’édition 2023 du Festival TransAmériques, la compagnie Joe Jack et John adapte ainsi Six personnages en quête d’auteur, une pièce de 1921, en y injectant une bonne dose de différence.
Six acteurs, donc, se donnent rendez-vous dans une grande salle; les cinq premiers, qui se connaissent tous, sont là pour tenter de trouver le sujet de leur prochaine pièce de théâtre. Le sixième, lui, est un acteur un peu désoeuvré, qui cherche autant un travail qui rapporte que l’inspiration.
On comprend rapidement que le premier groupe est issu de la différence; la compagnie se fait d’ailleurs un point d’honneur à mettre de l’avant ces personnes, qui sont généralement peu ou pas du tout représentées dans le milieu théâtral. Et peu à peu, chacun d’entre eux présentera sa version de ce qui pourrait être une « bonne » pièce de théâtre. Sans véritablement soulever l’enthousiasme des autres, d’ailleurs.
Plus le temps passe, d’ailleurs, plus on s’interroge sur le politiquement correct, sur ce qu’il est possible ou non de dire, sur la notion de privilège… Tous des sujets qui sont habituellement abordés par des personnes neurotypiques, sans handicap, etc., mais, encore une fois, pas vraiment par des gens issus de la diversité et de la différence.
Tout cela est très bien, tout comme cette réflexion sur la possibilité de jouer une autre personne que soi-même, au coeur du processus théâtral. Et dans le cas de nos acteurs, la question se pose, là aussi : peuvent-ils jouer autre chose que des personnages aux mêmes caractéristiques que les leurs?
Ces questionnements sont essentiels, autant du point de vue artistique que sociétal. Le hic – et il est gros –, c’est que le texte de Cispersonnages en quête d’auteurice part dans tous les sens. On comprend l’idée d’intégrer, le plus possible, la vision des acteurs, que ce soit du côté de l’écrit que de l’interprétation, mais on compte pas moins de quatre , voire cinq histoires parallèles, dans cette pièce, des histoires qui auront beaucoup de mal à s’imbriquer les unes dans les autres.
Ultimement, on a malheureusement l’impression que l’oeuvre s’éparpille trop pour son propre bien, malgré toute la bonne volonté des acteurs. Et l’on se retrouve un peu sonnés en fin de pièce, à l’instar de ce personnage déboussolé après avoir vu une licorne géante qui produit un tintement de clochette lorsqu’elle plie la patte arrière.
Cispersonnages en quête d’auteurice, une création de Catherine Bourgeois, à l’Espace libre, jusqu’au 3 juin