Voilà plusieurs années que l’extrémisme violent est en hausse. Cette tendance représente une menace, à l’échelle mondiale, envers la paix et la sécurité internationale. Mais comment les gens en viennent-ils à devenir des extrémistes violents? Une équipe de chercheurs a mené six études pour étudier la question; ils concluent que cet extrémisme violent découle largement d’un sentiment de menace culturelle.
Cela est particulièrement vrai pour des personnes partageant certains traits de personnalités, précisent-ils.
« Les caricatures de Mahomet sont l’un des nombreux exemples de la façon dont la perception d’une menace à la culture peut entraîner de l’extrémisme violent et promouvoir une pensée de type « noir et blanc » », indique ainsi Milan Obaidi, professeur associé à l’Université de Copenhague.
Ce chercheur est à la tête de ce projet qui s’appuie sur de vastes quantités de données populationnelles provenant du Danemark, de la France, du Pakistan et de l’Afghanistan. L’étude comprend aussi des données provenant de plus de 20 pays musulmans.
À la recherche de réponses et de solutions
Les scientifiques se sont surtout concentrés sur l’extrémisme djihadiste, et cela pour plusieurs raisons. « Tout d’abord, des pays comme l’Afghanistan et le Pakistan sont lourdement affectés par le terrorisme, mais il existe peu d’études psychologiques sur les causes de l’extrémisme violent au sein des populations non-occidentales », mentionne M. Obaidi.
« Ensuite, les terroristes affirmant agir au nom de l’Islam ont alimenté une forte peur et une suspicion envers les musulmans et la foi islamique. Cela a entraîné l’apparition de stéréotypes néfastes, en plus de lier l’extrémisme djihadiste aux valeurs islamiques. »
Si l’intolérance et la violence extrémiste de l’extrême droite sont souvent attribuées à des personnalités individuelles, l’extrémisme violent djihadiste est habituellement généralisé à un peuple partageant une culture ou une religion spécifique.
« En adoptant une approche basée sur la personnalité, notre étude démontre comment l’extrémisme violent musulman, similaire à d’autres formes d’intolérance dans les cultures occidentales, pourrait être influencé par des caractéristiques personnelles », explique encore M. Obaidi.
Dans leurs travaux, les chercheurs soulignent le besoin humain d’obtenir des réponses et des solutions définitives à des problèmes complexes comme étant une explication de pourquoi un sentiment de menace culturelle pourrait mener à adopter des comportements extrémistes. Ce phénomène psychologique est appelé « need for cognitive closure » (besoin de rapprochement/signification cognitive, NDLR), ou NFC, en anglais.
« Le NFC est lié à notre besoin de structure, de prévisibilité et de capacité de prendre des décisions. Les individus qui éprouvent ce besoin de façon importante tendent à trouver les valeurs relatives déplaisantes, en plus d’adhérer à des croyances dogmatiques, autoritaires et peintes en noir et blanc », poursuit M. Obaidi.
Ce dernier ajoute que « les groupes extrémistes peuvent répondre au besoin de clarification en offrant une vision noire et blanche et simplifiée du monde, ainsi qu’une solution contre les menaces perçues. Ici, la violence et le terrorisme peuvent être présentés comme étant les seules solutions face aux menaces culturelles ».
Aucune culture n’est à l’abri
Toujours au dire de M. Obaidi, le NFC est un mécanisme psychologique qui se retrouve dans tous les peuples et toutes les cultures.
« Nous pourrions trouver les mêmes résultats dans d’autres environnements extrémistes. Cela pourrait décrire les membres de l’extrême droite en Occident, qui perçoivent leur statut, leur pouvoir et la domination de leur groupe comme étant menacés par les minorités et l’immigration », mentionne le chercheur.
Le spécialiste espère que l’étude pourra à la fois offrir un éclairage sur les processus sous-tendant l’extrémisme violent, en plus d’aider à limiter sa portée.
Les travaux sont publiés dans Proceedings of the National Academy of Sciences.