Une violence qui ne cesse jamais : voilà, affirme le chef des droits de la personne à l’ONU, ce qui menace la Perle des Antilles, un pays qui est de plus en plus sous le joug des gangs criminels, qui infligent « une souffrance extrême » à la population.
« Chaque rapport que je reçois sur Haïti souligne l’ampleur des souffrances et transmet le message que les Haïtiens ont besoin d’une aide urgente, et ce, dès maintenant », a affirmé Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de la personne, dans une déclaration rendue publique mardi.
Selon ce que rapporte le Service des droits de la personne du Bureau intégré des Nations unies en Haïti, plus de 600 personnes ont été tuées durant le seul mois d’avril dernier, dans le cadre d’une nouvelle vague de violence qui a frappé plusieurs secteurs de la capitale, Port-au-Prince.
Déjà, durant les trois premiers mois de l’année, l’ONU avait dénombré au moins 846 personnes assassinées, en plus de 393 blessés et 395 personnes enlevées.
Selon les instances onusiennes, il s’agit d’une augmentation de 28 % de la violence comparativement au trimestre précédent.
Et face à toute cette violence, devant, aussi, l’impuissance croissante de la police, des citoyens ont décidé de se faire justice eux-mêmes en se réunissant au sein de « brigades de vigilance ». Autre conséquence de cette insécurité galopante, les lynchages de membres de gangs et de petits criminels se sont multipliés.
Au dire des Nations unies, pour le mois d’avril seulement, il y aurait ainsi eu au moins 164 de ces exécutions sommaires collectives.
Le rapport conjoint du Bureau des droits de la personne et du Bureau intégré des Nations unies en Haïti souligne aussi « que la violence ne devient pas seulement plus extrême et plus fréquente, mais qu’elle s’étend inexorablement à mesure que les gangs cherchent à étendre leur contrôle ».
Et « dans cette ambiance violente, des élèves ont aussi été victimes de balles perdues lorsqu’ils se trouvaient dans leur salle de classe ou chez eux », y lit-on encore.
Tirs sans discernement sur la population dans la rue ou des résidences, individus brûlés vifs dans les transports collectifs… Les attaques se multiplient, sans compter les pillages, les incendies et autres gestes criminels qui ont jeté des milliers de personnes sur les routes, indique le document.
« Sur un autre plan, l’impact de la violence armée a contribué à l’inflation, y compris la flambée des prix des denrées alimentaires. À l’instar des périodes précédentes, les entreprises locales ont été contraintes de payer des taxes illégales aux gangs pour continuer à fonctionner », ajoutent les auteurs.
Les principaux axes routiers sont aussi sous le contrôle des criminels, qui y pratiquent l’extorsion, le détournement ou le vol des camions qui y circulent.
Une force d’intervention, mais pour un temps limité?
Devant cette lente glissade vers le chaos, les responsables onusiens suggèrent le déploiement d’une « force de soutien spécialisée, respectueuse des droits de l’homme et limitée dans le temps, avec un plan d’action complet pour aider les institutions haïtiennes ».
Les débats continuent, dans les capitales occidentales, et plus spécifiquement au Canada et aux États-Unis, quant à la forme et à l’ampleur d’une éventuelle force d’intervention.
« Nous ne devons pas oublier que l’extrême pauvreté et le manque de services de base sont à l’origine de la violence actuelle et du pouvoir des gangs sur les communautés. Le gouvernement, avec le soutien de la communauté internationale, doit faire tout son possible pour respecter son obligation de fournir à la population un accès régulier et sans entrave à l’eau potable, à la nourriture, à la santé et à un logement sûr », a fait valoir M. Türk, relevant que « la situation d’urgence appelle une réponse forte de toute urgence ».