Détecté dans des écrans solaires et de nombreux produits de soins personnels, le benzène est-il le nouvel ingrédient à bannir de sa pharmacie? Ça dépend de quel produit, constate le Détecteur de rumeurs.
L’origine de la rumeur
En 2021, le laboratoire indépendant américain Valisure a alerté la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis après avoir détecté du benzène dans plusieurs écrans solaires. Des analyses subséquentes ont montré que bien d’autres produits de soins contenaient du benzène: des centaines de déodorants, shampooings, revitalisants et nettoyants pour les mains, ont alors été retirés des tablettes. Un point commun à la plupart de ces produits : ils se vendent en aérosols.
Qu’est-ce que le benzène ?
Le benzène existe dans la nature: les feux de forêt et les volcans en produisent. Mais le plus gros provient de l’industrie pétrochimique: c’est l’un des composés du pétrole brut. Il est utilisé comme solvant dans la synthèse de nombreux produits chimiques que l’on retrouve entre autres dans les adhésifs ou le nylon.
Il a été classé cancérigène pour l’humain. Selon la FDA, l’ajout de benzène doit être évité, à moins d’être indispensable dans la fabrication d’un produit important pour la santé — comme les écrans solaires. Il est alors autorisé à une concentration maximale de 2 parties par million (ppm).
Pourtant, le benzène ne se retrouve pas dans la liste d’ingrédients des produits de protection solaire retirés des tablettes en 2021. Comment dans ce cas est-il apparu dans les analyses ? Une des hypothèses est qu’il pourrait avoir contaminé les agents propulseurs d’aérosols utilisés dans les bonbonnes (et qui, eux, sont des dérivés du pétrole).
Parmi plus de 600 produits testés par Valisure, le tiers contenait du benzène et 11 % possédaient une concentration de plus de 2 ppm. Des études réalisées par d’autres laboratoires ont trouvé une concentration atteignant 23 ppm dans certains produits de protection solaire, soit près de 12 fois la limite recommandée par la FDA.
Une exposition faible et répétée
Les experts s’entendent pour dire que ces concentrations n’entraînent pas de problèmes de santé immédiats. Leur crainte est plutôt qu’une exposition répétée ait des effets néfastes à long terme. C’est que le benzène dans notre environnement se trouve aussi dans la fumée de cigarette, les gaz d’échappement des voitures, les solvants et les peintures utilisées dans des pièces mal aérées…
Ces nombreuses expositions posent dès lors la question de savoir si c’est vraiment sa présence dans des articles de soins personnels qui est préoccupante.
Mais le risque d’exposition au quotidien reste difficile à quantifier puisque la grande majorité des études qui se sont intéressées au lien entre benzène et cancer ont été faites sur des travailleurs œuvrant dans l’industrie de la pétrochimie et de l’acier. Ceux-ci sont exposés à ce composé plusieurs heures par jour pendant des années. Chez ces travailleurs, on a observé une altération dans la formation des cellules sanguines menant à un plus haut taux de leucémie et d’autres cancers sanguins.
À l’autre extrémité du spectre, la recherche ne s’entend pas sur ce qui serait une concentration sécuritaire d’exposition au benzène: il est possible qu’il soit toxique, même à faible dose, d’où les recommandations de l’éviter dans la mesure du possible.
Mais cette incertitude pose la question du dosage de risque, quand on compare le risque du benzène au risque de l’exposition aux rayons UV. Ainsi, des dermatologues de l’Université McGill ont tenu à rappeler, en 2021, les recommandations de santé publique en matière de protection solaire. Ne pas utiliser d’écran solaire comporte en effet des risques, dont celui du cancer de la peau.
Ils précisent que, dans l’étude de Valisure, les taux de benzène les plus élevés ont été détectés principalement dans des aérosols et des gels. Aucun produit en crème ne contenait de benzène, et une seule lotion solaire, parmi tous les produits testés, a révélé la présence de benzène à 1 ppm, soit moins que la concentration maximale recommandée par la FDA.
Verdict
Les données concernant une exposition faible et répétée au benzène à travers les produits du quotidien sont encore trop parcellaires pour tirer des conclusions. Par précaution, comme il n’existe pas de niveau sécuritaire d’exposition, il vaut donc mieux les éviter en privilégiant des crèmes solaires plutôt que des écrans solaires en gels ou en aérosols.