La viande cultivée en laboratoire serait meilleure pour le climat que la viande qui broute dans les champs ou picore dans les fermes? À première vue, oui. Mais ça dépend de ce qu’on mesure.
Une équipe de l’Université de Californie vient de jeter un pavé dans la mare en affirmant que cette viande « cultivée » en laboratoire pourrait avoir une empreinte carbone de 4 à 25 fois plus importante. Leur argument étant que la technologie nécessaire à produire cette viande est extrêmement coûteuse en énergie, donc productrice de CO2.
On parle de « viande cultivée » parce qu’il s’agit de « cultiver » des cellules souches d’un animal — boeuf, volaille, poisson ou autre— dans une cuve riche en éléments nutritifs. Il va sans dire que si de nombreuses compagnies du secteur alimentaire y investissent beaucoup d’argent depuis quelques années, c’est parce qu’ils y voient une alternative « verte » aux dégâts causés par la viande traditionnelle — une viande sortant d’une cuve serait moins dévoreuse de terres agricoles, nécessiterait moins d’eau, et entraînerait moins de souffrance animale.
Mais l’estimation du cycle de vie oblige à calculer l’énergie nécessaire à chaque étape, et c’est là que le portrait devient plus complexe. Le « bouillon de culture » d’éléments nutritifs a une importante empreinte carbone parce qu’il contient des sucres comme facteurs de croissance, du sel, des acides aminés, des graisses, des vitamines et des protéines, tous des composants coûteux à produire. Chacun doit aussi être purifié à un niveau équivalent à celui d’un produit pharmaceutique, pour s’assurer de l’absence totale de contaminants, comme des bactéries, qui auraient pu s’introduire dans le bouillon de culture. On parle, là encore, de technologies extrêmement coûteuses en énergie, comme la chromatographie. C’est aussi la raison pour laquelle, pour l’instant, un repas de viande cultivée est hors de prix.
La nouvelle étude est parue en avril sur le serveur de prépublication BioRxiv : elle n’a donc pas encore été révisée par les pairs. Les auteurs assurent que leurs calculs s’appliquent à tous les types de viandes cultivées.
Ceci dit, la technologie est encore dans son enfance. Les chercheurs se sont appuyés sur l’état où elle se trouve actuellement, et cette technologie est appelée à s’améliorer.
En janvier, une autre analyse du cycle de vie de la viande cultivée, publiée par un groupe néerlandais, était arrivée à des résultats plus encourageants. Les observateurs avaient toutefois aussitôt souligné que l’analyse avait été en partie financée par un groupe de lobbying de la viande cultivée basé à Washington.
Cette question de l’empreinte carbone de la viande végétale est dans l’air depuis des années, et cette étude ne mettra pas fin au débat. Le principal obstacle à une réponse définitive est justement qu’il s’agit d’une industrie dans son enfance: on dispose de peu de données, en particulier pour construire des modèles mathématiques fiables permettant de se projeter dans le futur.